« Ça va ton fils ? »
C'est LA question insupportable, justement la question à ne pas poser… Ca fait des années qu'on explique à son entourage que ça ne va pas, qu'il y a des difficultés, qu'on s'inquiète, qu'on reste sans réponses et on rame impuissants, on brasse dans le vide, on se bat pour comprendre, on se remet en question tous les jours, on cherche l'éducation parfaite, et on a droit à un banal « ca va ? » indifférent.
Car ces deux mots sont blessants et font du mal. Je vais vous dire ce qu'on entend dans un « ça va ? » : on entend « est-ce que tout est résolu ? », on entend « est-ce que tout est redevenu normal », on entend « est-ce que tu as fini de t'inquiéter », on entend « est-ce que tu arrêtes de nous parler de tes problèmes » ou « est-ce qu'il y a autre chose dans ta vie ? ». Car le dialogue est stérile : soit on répond non, ce qui est épuisant car il faut argumenter, et on déballe pour la centième fois toutes les préoccupations en espérant, en vain, trouver une oreille, quelqu'un qui comprenne enfin notre détresse, … soit on dit oui, et là on ment, pour répondre à la demande implicite : « arrête de nous parler de tes problèmes ».
C'est tout ça que ça veut dire… ça ne fait que rappeler que ça ne va pas, c'est remuer un couteau dans la plaie comme on dit.
Alors une bonne fois pour toutes : non, ça ne va pas ! Je ne peux pas répondre à cette question, je ne sais pas y répondre !! Mais à la fin, quelle réponse est-ce que je peux donner ? Ne posez plus la question. Car rien n'ira plus. Plus jamais. On a déjà compris que c'est définitif ! On a compris que tous nos beaux rêves, nos projections risquent de s'évanouir, on a compris qu'on devra toujours accompagner, on sait qu'on se fera des soucis à chaque étape. Les difficultés font partie de l'enfant pour la vie. Et ça fait partie des parents ! Je vivrai avec, c'est mon fils, je l'aime. Je ne veux pas me justifier. On est déjà convaincus, c'est vous convaincre vous qui est épuisant !
Mais peut-être que vous n'imaginez pas l'impact de votre question. Peut-être voulez-vous tout simplement prendre des nouvelles ? On est ravis qu'on nous demande des nouvelles, on est touchés, vraiment, ça fait chaud au cœur. Mais pour la forme, faîtes un effort, posez des questions précises. Il y a plein de questions auxquelles on aimerait répondre, on a plein de choses à développer, plein de « oui » qu'on aimerait exprimer, plein de positif qui nous rend si fiers, plus forts.
Alors posez nous des questions « oui », comme par exemple « ça va avec la maîtresse ? », « les vacances dans la famille se sont bien passées ? », « il progresse bien avec l'orthophoniste ? », « il est content d'aller à l'école », etc… Ce sont des questions faciles, on y répond avec plaisir, on est touchés de les entendre, et on est satisfaits de développer. Là, il peut y avoir un dialogue, un réel échange, une vraie écoute, qui nous redonne de la force, c'est de ça dont on a besoin. On se sent plus droits, alors après, c'est plus facile de changer de sujet, et aussi parce qu'il faut garder des questions pour la prochaine fois, un enfant ça ne se résume pas, et parce qu'on est content de ne pas être vu tout le temps comme un parent d'enfant à problèmes. Alors si on ne sait pas s'arrêter dans les explications, aidez nous… donnez nous des forces.
Et ne me demandez plus jamais si ça va.
Anna, une maman différente.