RetourAccueil

Les problèmes sensoriels
chez l’enfant autiste et Asperger

Mes expériences avec les problèmes sensoriels de la pensée visuelle et les difficultés de la communication, par Temple Grandin, Professeur auxiliaire Ph.D à l’Université de l’État du Colorado, Fort Collins, CO 80526 USA.

L’article original en anglais se trouve sur le site du Center for The Study of Autism : My Experiences with Visual Thinking Sensory Problems and Communications Difficulties.


Présentation

Dans cet article, je vais décrire mes expériences avec l’autisme. La pensée visuelle, les problèmes sensoriels, les difficultés de communication vont constituer les principaux aspects que je vais élaborer. Après avoir décrit mes expériences, je discuterai des ressemblances et différences entre moi et les autres personnes qui ont aussi un diagnostic d’autisme. Il y a probablement un continuum de plusieurs sous-types d’autisme variant selon les anomalies neurologiques et la sévérité des problèmes neurologiques.

Sensibilité auditive et visuelle

J’ai un système auditif qui fonctionne comme un amplificateur au maximum de sa puissance. Mes oreilles se comportent comme un microphone qui ramasse et amplifie le son. J’ai deux choix : (1) je poursuis l’écoute et me laisse envahir par un déluge de sons, ou (2) je me coupe de la source des sons. Ma mère me disait que j’agissais comme une sourde. Mais les examens d’audition indiquait que mon ouïe était normale. Je ne peux pas moduler les stimuli auditifs qui m’arrivent. Alors j’ai découvert que je pouvais me fermer à ces sons douloureux en inventant un comportement autistique, rythmique et stéréotypé. Parfois je rêvassais. Par exemple, après l’audition d’une chanson favorite à la radio de la voiture, je réalisais plus tard que j’avais coupé le contact et manqué la moitié de la chanson. Au collège, je devais prendre constamment des notes pour me prévenir de cette rêverie.

Je suis incapable de parler au téléphone dans un bureau ou un aéroport bruyant, alors que d’autres gens peuvent le faire. Moi, je ne peux pas. Si j’essaie d’éliminer les bruits de fond, je détruis la voix au téléphone. Des personnes autistes souffrant de problèmes auditifs encore plus sévères seront incapables d’entendre une conversation dans un hall d’hôtel assez tranquille. Il faut protéger ces gens des bruits qui agressent leurs oreilles. Les bruits bruyants et soudains me blessent les oreilles comme la foreuse d’une dentiste qui frappe un nerf (Grandin 1992a). Un Portugais doué, autiste, écrivait : Je sors de mes gonds dès qu’un animal fait du bruit (Blanc et Blanc 1987). Un enfant autiste doit se couvrir les oreilles parce que certains sons le blessent. C’est comme un sursaut excessif. Un bruit soudain (même relativement faible) peut souvent m’accélérer le cœur.

Je déteste aussi les endroits où l’on trouve des bruits de toutes sortes, tels que les centres commerciaux et les arènes sportives. Le bruit continu et aigu, tel celui des ventilateurs de salle de bain ou des séchoirs de cheveux, me dérange. Je peux me couper des sons et me soustraire de la plupart des bruits mais ne peux éviter certaines fréquences. Il est impossible qu’un enfant autiste se concentre dans une classe où toutes sortes de bruit lui bombardent le cerveau comme un moteur à propulsion. Les pires bruits, ce sont les sons très aigus de perceuse. Un bruissement, plus bas, n’a pas d’effet, mais l’explosion d’un pétard me blesse les oreilles. Enfant, ma gouvernante avait l’habitude de crever un sac de papier pour me punir. Ce bruit soudain, bruyant, me torturait.

La peur d’un bruit qui blesse les oreilles est souvent la cause de beaucoup de mauvais comportements et de crises de colère. Quelques enfants autistes vont tenter de briser le téléphone parce qu’ils craignent sa sonnerie. L’anticipation d’un bruit douloureux provoque beaucoup de comportements inadéquats. Ces comportements peuvent se produire des heures avant le bruit lui-même. Quand j’étais enfant, je redoutais le traversier qui nous amenait à notre maison de villégiature estivale. Quand le cornet du bateau se mettait à siffler, je me jetais par terre et ne cessais de crier. Les enfants et adultes autistes peuvent craindre les chiens qui aboient. Les nourrissons qui pleurent agressent souvent leurs oreilles. Tant ces situations, imprévisibles, produisent un bruit qui blesse l’oreille.

Les enfants et les adultes ayant une sensibilité extrême aux sons peuvent aussi avoir peur des bruits d’écoulement de l’eau ou des vagues (Stehli 1991). Des enfants moins sensibles vont rechercher des stimuli visuels ou auditifs que d’autres vont fuir. Moi, j’aimais le son d’écoulement de l’eau, et j’aimais transvaser l’eau entre des boîtes de jus d’oranges ; alors qu’un autre enfant évitera ce son d’écoulement. J’aimais la stimulation visuelle de regarder les portes coulissantes, automatiques ; alors qu’un autre enfant peut courir et se mettre à crier quand il fait face à cette porte. Un stimulus sensoriel qui provoque la peur chez un enfant autiste peut devenir une fixation très agréable chez un autre enfant. Quand je vois une porte coulissante, je ressens la même sensation très agréable qui se produisait quand je me basculais ou que j’avais d’autres mouvements autistes stéréotypés.

Revenir au
sommaire

Les expériences tactiles

Pendant mes voyages et nombreuses conférences sur l’autisme, plusieurs parents m’ont raconté que la thérapie de l’étreinte pouvait être salutaire. Ce n’est pas la cure miracle, que s’imaginent certains de ses adeptes ; mais il a un effet salutaire sur quelques enfants. Selon moi, l’on peut obtenir les mêmes avantages par des techniques moins stressantes. Je me dérobais quand je regardais le spectacle de la BBC La Visite, et suis bien heureuse de n’avoir jamais enduré l’étreinte forcée. Fisher (1989) décrit une approche plus douce d’étreinte qui fonctionnait avec sa fille.

Une mère me disait comment elle encourageait doucement son enfant à tolérer davantage l’étreinte, et qu’il y répondait avec plus d’affection et de contact visuel. Powers et Thorworth (1985) ont trouvé que le contact visuel et l’intérêt social s’amélioraient surtout avec une méthode plus douce de thérapie comportementale. Dans un cas, l’on maintenait un jeune garçon dans une légère étreinte jusqu’à diminution des pleurs. Dès que les pleurs s’atténuent, on relâche le garçon. Graduellement, l’on prolonge le temps d’étreinte.

Je crois que les effets salutaires de l’étreinte chez quelques enfants ont un lien avec la désensibilisation tactile du système nerveux de l’enfant autiste. Il s’agit d’un processus physiologique et sensoriel qui n’a rien à voir avec l’humeur affectueuse ou colérique de la mère. Je suis en désaccord complet avec Welch (1983) que l’étreinte ne devient efficace que lorsque l’enfant perd le contrôle de lui-même.

Les problèmes sensoriels de l’autisme demeurent encore négligés. Beaucoup d’autistes sont hypersensibles aux sons et aux toucher. Les enfants autistes ont des problèmes à moduler les influx sensoriels (Ornitz 1985).

Revenir au
sommaire

Les problèmes tactiles de l’autiste

Je me sauvais quand les gens tentaient de m’étreindre, parce que l’étreinte provoquait une énorme vague de stimulation à travers tout mon corps. Je voulais bien me sentir réconforter physiquement, mais dès que quelqu’un me tenait, je devenais très nerveuse. Il fallait absolument éviter cette approche, mais la sur stimulation sensorielle entraînait l’évitement, non pas la colère ou la peur comme Riche et Zappella (1989) le suggèrent.

Un homme autiste, interrogé par Cesaroni et Garber, disait que le toucher n’était pas douloureux, mais accablant et bouleversant. Les petites démangeaisons et égratignures que la plupart des gens ignorent peuvent devenir des tortures. Un jupon qui frotte devenait comme du papier de verre qui poncerait une peau mise à vif. Le lavage des cheveux était aussi affreux. Quand ma mère me frottait les cheveux, le cuir chevelu me faisait mal. J’avais aussi des problèmes à m’adapter aux nouveaux types de vêtements. Il me fallait plusieurs jours pour cesser de ressentir un nouveau type de vêtement sur mon corps ; alors qu’une femme normale s’adapte au changement du pantalon à la robe en cinq minutes. Même un nouveau sous-vêtement peut me causer des problèmes. J’aimais aussi porter de longs pantalons, parce que je détestais que les jambes se touchent.

Revenir au
sommaire

La thérapie sensorielle

La thérapie de l’étreinte peut devenir une technique rude et stressante de la thérapie d’intégration sensorielle qui s’utilise souvent aux États-Unis. Les thérapeutes ont aidé beaucoup d’enfants autistes par des applications en douceur de la stimulation tactile et vestibulaire (Ayres 1979 ; Roi 1989). L’un des effets de cette stimulation est la désensibilisation du système tactile. Ce n’est pas une cure, mais elle a pu augmenter le langage, l’affectivité, et le contact visuel chez certains enfants. Elle aide aussi à diminuer les comportements stéréotypés et autodestructeurs. Les activités sensorielles doivent se faire en douceur comme des amusements et ne jamais s’imposer de force. Les encouragements intenses et une certaine contrainte peuvent s’utiliser, mais un bon thérapeute sait s’arrêter avant même que la stimulation ne devienne trop accablante et l’enfant se mette à pleurer. Des activités pourtant intrusives peuvent demeurer des amusements. Durant ces activités, le thérapeute travaillera aussi l’amélioration de la parole et du contact visuel.

Ray et al. (1988) ont trouvé qu’un enfant muet commencera souvent à parler pendant qu’il se balance en chantant. Le balancement stimule le système vestibulaire et le cervelet qui fonctionne assez mal. Le fait de tournoyer dans une chaise deux fois par semaine peut aider à réduire l’hyperactivité (Bhatara et al. 1981) ; et les vibrations structurées réduire les comportements stéréotypés (Murphy 1982).

L’hypersensibilité tactile peut se désensibiliser en caressant l’enfant avec fermeté mais douceur avec des textures différentes de tissu (Ayres 1979). La pression doit être assez forte pour stimuler les récepteurs profonds. Il faut éviter le toucher léger qui ne fait qu’augmenter l’éveil et exciter le système nerveux.

La stimulation sensorielle et vestibulaire a aussi un effet bénéfique sur l’amélioration de l’affectivité et du comportement social.

La stimulation de la pression, en profondeur, calme aussi (Ayres 1979 ; Roi 1989). Les thérapeutes roulent souvent les enfants dans un tapis. Beaucoup d’enfants autistes recherchent cette pression profonde. Beaucoup de parents m’ont dit que leurs enfants aiment s’enfouir sous les coussins du sofa ou sous le matelas. L’application lente, constante d’une pression me procurait un effet tranquillisant ; et un mouvement soudain et saccadé m’excitait (Grandin 1992b). Les comportements d’auto stimulation peuvent diminuer avec le port d’un vêtement qui applique une pression (veste proprioceptive) (McClure et al. 1991 ; Zisserman 1992).

De bons résultats peuvent s’obtenir souvent avec moins d’une heure par jour de traitement sensoriel. Il n’est pas nécessaire d’y passer des heures et des heures à chaque jour. Si une méthode de traitement s’avère efficace avec un enfant particulier, elle amènera cette amélioration avec des efforts raisonnables. L’efficacité du traitement sensoriel variera d’un enfant à un autre.

Revenir au
sommaire

La recherche tactile

Les études de l’humain et de l’animal indiquent qu’une pression profonde calme et réduit l’excitation du système nerveux. Takagi et Kobagas (1956) ont trouvé que cette pression appliquée aux deux côtés du corps fait diminuer le métabolique de base, la pulsation cardiaque, et le tonus musculaire. Le fait de pincer doucement la peau d’un lapin avec des pinces bourrées entraîne un ralentissement des ondes EEG, une détente du tonus muscle, et un effet de somnolence (Kumazawa 1963). Frotter et pincer doucement la patte d’un chat diminuera l’activité tonique dans les noyaux dorsaux de la colonne et le cortex somato-sensoriel, (partie du cerveau qui reçoit la sensation du toucher) (Melzack et al. 1969).

Revenir au
sommaire

L’appareil de mise en pression

J’ai sollicité la stimulation de la pression, en profondeur, mais je me sauvais et me raidissais quand ma tante obèse me prenait en étreinte. Dans mon livre (Grandin et Scariano 1986), je décris un appareil de mise en pression que j’ai construit pour satisfaire mon besoin irrésistible de me faire étreindre. J’ai conçu l’appareil pour pouvoir contrôler le niveau et la durée de la pression. Une mousse caoutchoutée enrobait l’intérieur et pouvait appliquer une pression sur une grande région de mon corps.

Graduellement je devenais capable de tolérer l’appareil qui me pressait. Je réduisis lentement l’hypersensibilité de mon système nerveux. Un stimulus qui avait été accablant et répugnant devenait maintenant très agréable. L’utilisation de cet appareil m’a permis de tolérer le toucher d’une autre personne. Comme explication partielle, une hypersensibilité du système nerveux, empêchant un enfant autiste de recevoir la stimulation tactile réconfortante qui accompagne l’étreinte, causerait le manque d’empathie de l’autiste. J’ai même appris la manière de caresser le chat plus doucement, après avoir utilisé cet appareil. Je devais me réconforter moi-même avant de pouvoir donner du bien-être au chat. Quand je manipule du bétail, je touche souvent les animaux parce que cela m’aide à me sentir douce à leur égard. Il est important de désensibiliser un enfant autiste afin qu’il puisse supporter un toucher consolateur. J’ai trouvé que si j’utilisais ma machine à compression de façon régulière, j’avais des images plus agréables dans mes rêves. Le fait d’éprouver la sensation réconfortante de la pression fait disparaître les pensées désagréables ou méprisables.

Plusieurs machines à compression sont maintenant en service dans des cliniques d’intégration sensorielle aux États-Unis. Les thérapeutes ont constaté que certains enfants hyperactifs et autistes utiliseront immédiatement la machine, tandis que d’autres sont si hypersensibles au toucher qu’au début, ils évitent la machine, ainsi que d’autres activités impliquant le toucher, telles que la peinture au doigt ou bien le frottement avec différentes textures de tissus. Les enfants hypersensibles sont gentiment encouragés à se joindre aux activités tactiles qu’ils ont initialement évitées. Une activité qui leur était au début dégoûtante et accablante leur devient petit à petit agréable. Les activités impliquant le contact leur deviennent agréables quand leur système nerveux se désensibilise. Par exemple, des enfants qui ne peuvent supporter le brossage de dents peuvent être désensibilisés en les frictionnant doucement autour de la bouche.

Revenir au
sommaire

Réactions animales

Ma réaction au contact était comme celle d’un cheval sauvage hésitant et battant en retraite. Les réactions d’un enfant autiste au toucher et celle d’un cheval sauvage peuvent être semblables. Le processus d’apprivoiser un animal sauvage a beaucoup de similitudes avec la réaction d’un enfant autiste au toucher.

Il y a deux méthodes qui peuvent être utilisées pour apprivoiser un cheval sauvage : (1) la possession forcée et (2) l’apprivoisement progressif. Les deux méthodes fonctionnent. La possession forcée est plus rapide et plus stressante que le (légèrement plus lent) processus d’apprivoisement progressif. Les bons entraîneurs de chevaux n’utilisent la possession forcée que sur les très jeunes chevaux.

Quand la possession forcée est employée sur des animaux, on fait attention d’éviter l’excitation. Le procédé est appliqué aussi doucement et gentiment que possible. L’animal est solidement attaché ou tenu dans un dispositif de contrainte de bétail. Il est étroitement maintenu, et ne peut ni ruer ni se débattre. Pendant la période de contrainte, les entraîneurs caressent et apaisent toutes les parties du corps de l’animal, et lui parlent doucement. Toucher chaque partie du corps de l’animal est une importante composante de la procédure d’apprivoisement. L’animal est libéré quand il ne résiste plus. Les sessions durent rarement plus d’une heure. Un inconvénient de ce procédé est que la contrainte forcée est stressante.

La méthode de l’apprivoisement progressif est faite plus graduellement. J’ai dressé des moutons à entrer plusieurs fois dans un dispositif semblable à ma machine de contention (Grandin, 1989). Le moutons ont été graduellement présentés au dispositif. Au début, ils se sont juste tenus dedans, et une pression leur a alors été appliquée pour des laps de temps croissants. Les entraîneurs de chevaux ont constaté qu’il devient plus facile de manipuler des chevaux nerveux s’ils sont frottés et brossés fréquemment. Le cheval peut d’abord être effrayé, mais petit à petit, il commencera à se détendre quand il est caressé. Comme pour l’enfant autiste, le contact qui était au commencement repoussant devient agréable. Un stimulus qui a été d’abord activement évité est maintenant activement recherché.

Revenir au
sommaire

Cognitif versus sensoriel

Dans cet article, je me suis concentrée sur les aspects sensoriels de l’autisme, et n’ai pas discuté des facteurs (de pensée) comportementaux et cognitifs. Les aspects cognitifs et comportementaux sont importants, mais je me suis concentrée sur les aspects sensoriels, parce que ceux-ci sont souvent négligés.

Les problèmes de traitement sensoriel peuvent expliquer certains comportements autistiques, et les différences dans les processus cognitifs peuvent en expliquer d’autres. Les anomalies cérébelleuse et du tronc cérébral sont une explication probable à beaucoup de problèmes sensoriels, mais elles n’expliqueraient pas des différences cognitives, telles que la pensée concrète et les compétences visuelles spatiales inusuelles. Les différences cognitives entre les enfants autistes et les enfants normaux sont probablement dues à d’autres anomalies de cerveau. Les autopsies de neuf cerveaux d’autistes ont révélé des anomalies dans le cervelet, l’hippocampe, l’amygdale, et d’autres parties du système limbique (Bauman 1991, et Bauman et Kemper 1994). Ces secteurs sont impliqués dans l’apprentissage et la mémorisation. Les études des ondes cérébrales (EEG) ont montré que les enfants autistes ont des anomalies graves dans leur capacité à basculer leur attention entre les stimuli visuels et auditifs (Courchesne et al. 1989). Les structures du cerveau qui commandent le décalage d’attention sont reliées aux vermis cérébelleux. Les anomalies dans le décalage d’attention peuvent être au fondement du comportement (réitéré) de persévérance, ainsi que de quelques déficits sociaux. Ceci peut probablement expliquer pourquoi les traitements qui stimulent le cervelet, ainsi que certains traitements sensoriels, améliorent souvent le comportement global. Des recherche plus poussées ont montré que l’amygdale (centre d’émotions) dans le cerveau est sous-développée. Ceci peut expliquer certains des déficits sociaux de l’autisme. Des scanners de cerveaux ont révélé que certains des circuits entre le cortex frontal et l’amygdale ne fonctionnent pas normalement (Haznader et al. 1997). Ceci peut forcer une personne autiste à se servir de son intellect et de sa logique pour prendre des décisions sociales au lieu de suivre ses émotions.

Revenir au
sommaire

Symptômes de privation sensorielle

Les symptômes de privation sensorielle chez les animaux sont semblables à beaucoup de symptômes autistiques. Les animaux confinés à un environnement stérile sont excitables et développent des stéréotypies, de l’automutilation, de l’hyperactivité, et ont des relations sociales perturbées (Grandin 1989b ; Maçon 1960 ; Harlow et Zimmerman 1959). Un animal dans un environnement stérile développe des stéréotypies afin de tenter de s’auto stimuler.

Pourquoi un léopard dans sa cage de béton, au jardin zoologique, aurait-il des similitudes avec l’autisme ? Par ma propre expérience, j’aimerais suggérer une réponse possible. Les sensations auditives et tactiles m’ont souvent accablée. Les bruits intenses me faisaient mal aux oreilles. Quand le bruit et la sensation s’ajoutant à la stimulation sensorielle devenaient trop intenses, j’étais capable de couper mon audition et de me retirer dans mon propre monde. Il est probable que l’enfant autiste crée en fait sa propre privation sensorielle.

En me retirant ainsi, j’ai pu ne pas avoir reçu les stimulations qui étaient nécessaires à un développement normal. Il y a probablement des anomalies secondaires du système nerveux central qui se produisent en raison même de l’évitement des sensations reçues par l’enfant autiste. Les anomalies initiales du traitement sensoriel avec lesquelles l’enfant est né auraient alors causé l’évitement initial. Les études d’autopsies indiquent que les anomalies cérébelleuses se produisent avant la naissance (Bauman 1991, Bauman et Kemper 1994). Cependant, le système limbique, qui a également des anomalies, n’atteint pas sa maturité avant que l’enfant soit âgé de deux ans. La possibilité de dommages secondaires au système nerveux central peut expliquer pourquoi les jeunes enfants chez qui des programmes d’éducation spéciaux interviennent très tôt ont un meilleur pronostic que les enfants qui ne reçoivent pas de traitement spécial.

Les études sur les animaux et les humains montrent que la restriction de l’entrée sensorielle rend le système nerveux central excessivement sensible à la stimulation. Les effets de restrictions sensorielles survenant très tôt sont souvent durables. Le fait de placer une petite ventouse sur l’avant-bras d’une personne pendant une semaine afin de bloquer ses sensations tactiles rendra plus sensible le secteur correspondant de son bras opposé (Aftanas et Zubeck 1964). Les chiots élevés dans des chenils stériles deviennent hyper excitable, et leurs ondes cérébrales (EEG) montraient toujours des signes d’hyper éveil six mois après qu’ils aient été retirés du chenil (Melzack et Burns 1965). Les ondes cérébrales des enfants autistes montrent également des signes d’éveil élevé (Hutt et al. 1965). Tailler les moustaches de bébés-rats rendra les parties du cerveau qui reçoivent les sensations de ces moustaches excessivement sensibles (Simon et Land 1987). Cette anomalie est relativement permanente. Ces secteurs de leur cerveau étaient toujours anormaux après que les moustaches aient repoussé.

Peut-être serait-il bénéfique que les bébés autistes soient doucement caressés et apprivoisés lorsqu’ils se raidissent et se retirent. Je me demande souvent si j’avais reçu davantage de stimulations tactiles en tant qu’enfant, si j’aurais été moins nerveuse une fois adulte. Manipuler des bébés-rats produit des adultes plus calmes, et qui sont mieux disposés à explorer un labyrinthe (Denenberg et al. 1962 ; Ehrlich 1959). La stimulation tactile est essentielle pour les bébés, et les aide dans leur développement.

Revenir au
sommaire

Qu’est-ce que la pensée visuelle ?

Penser avec le langage et les mots m’est une chose étrangère. Je pense totalement en images. C’est comme regarder différentes cassettes avec un enregistreur de vidéo-cassettes dans mon imagination. Je pensais auparavant que tout le monde pensait en images, jusqu’à ce que j’aie questionné de nombreuses personnes différentes à propos de leurs processus de pensée.

J’ai mené un petit test cognitif informel sur beaucoup de personnes. Il leur était demandé de se servir de leur mémoire concernant des clochers d’églises ou bien des chats. Un objet qui n’était pas dans l’entourage immédiat de la personne devait être utilisé pour ce processus de visualisation. Quand je fais cela, je vois dans mon imagination une série de vidéos de différentes églises que j’ai vues ou de chats que j’ai connus. Beaucoup de personnes normales verront une image visuelle de chat, mais c’est un genre d’image de chat générique et généralisée. Ils ne voient le plus souvent pas de séries de vidéos de chats distincts ou d’églises, à moins qu’il ne s’agisse d’artistes, de parents d’enfant autiste ou bien d’ingénieurs. Mon concept de chat consiste en une série de vidéos de chats que j’ai connus. Il n’y a pas de chat généralisé. Si je continue à penser à des chats ou à des églises, je peux manipuler ces images vidéo. Je peux mettre de la neige sur le toit de l’église, et imaginer à quoi le terrain de l’église ressemble au cours des différentes saisons.

Certaines personnes accèdent à leur connaissance chat en tant que langage auditif ou écrit. Pour moi, il n’y a pas d’information basée sur le langage dans ma mémoire. Pour accéder à une information parlée, je rejoue une vidéo de la personne en train de parler. Il y a des personnes brillantes qui ont peu de pensée visuelle. Un professeur totalement verbal m’a dit que les faits viennent à son esprit instantanément, sans image visuelle. Pour retrouver des faits, je dois les lire depuis une page visualisée d’un livre, ou bien rejouer la vidéo d’un événement antérieur. Cette méthode de pensée est plus lente. Elle demande le temps de jouer la vidéo dans mon imagination.

Des résultats de recherches ont montré que la pensée verbale et la pensée visuelle fonctionnaient via différentes unités du cerveau (Farah 1989 ; Zeki 1992). Les études de patients ayant des dommages au cerveau ont montré qu’une partie pouvait être endommagée, tandis qu’une autre pouvait être normale. Le cerveau est conçu avec des éléments modulaires. Ces éléments peuvent fonctionner ensemble ou séparément pour accomplir des tâches différentes. Par exemple, des personnes avec certains types de dommages au cerveau peuvent reconnaître des objets avec des bords droits, mais ils ne peuvent pas reconnaître des objets avec des bords irréguliers. Le module du cerveau qui reconnaît les formes irrégulières a été endommagé (Weiss 1989). Dans l’autisme, les systèmes qui traitent les problèmes visuels-spatiaux est intact. Il y a une possibilité que ces systèmes puissent se développer pour compenser les déficits de langage. Le système nerveux a une remarquable plasticité ; une partie peut prendre le dessus afin de compenser pour une partie endommagée (Huttenlocher 1984). Une étude d’IRM fonctionnelle par Ring et al. (1999) a indiqué que les personnes autistes dépendent davantage des parties visuelles du cerveau dans un test de figures imbriquées.

Revenir au
sommaire

Utiliser la visualisation

La pensée visuelle est un grand avantage dans ma carrière de conceptrice d’équipements pour le bétail, et je suis devenue internationalement reconnue dans ce domaine. Il m’est aisé d’élaborer des schémas de parcs et équipements à bétail en acier et en béton. Je peux lancer des tests de simulation dans mon imagination, portant sur la manière dont ces systèmes marcheraient avec différentes tailles de bétail.

Des discussions avec d’autres personnes autistes ont révélé des méthodes visuelles de pensée dans des tâches qui sont souvent considérées comme séquentielles et non-visuelles. Un brillant programmeur d’ordinateurs autiste m’a dit qu’il voyait l’arbre complet du programme dans son esprit, et qu’ensuite il remplissait le code du programme de chaque branche. Un compositeur autiste doué m’a dit qu’il faisait des images de sons. Dans tous ces cas, un tout brumeux ou un modèle psychique est visualisé, et les détails sont ensuite ajoutés d’une manière non-séquentielle. Quand je conçois un équipement, j’ai souvent une esquisse générale du système, et ensuite chacune de ses sections devient claire au fur et à mesure que j’ajoute des détails.

Quand je résous un problème scientifique ou que je passe en revue de la littérature scientifique, je le fais non-séquentiellement. Ce processus est comme si j’essayais de me représenter ce qu’est l’image d’un puzzle, alors que seulement certaines de ses pièces sont placées. Une pièce est placée dans un coin, et ensuite une autre dans un autre coin ; une fois qu’environ un quart des pièces sont en place, une personne peut dire que le puzzle représente l’image d’une maison.

En tant qu’enfant et que jeune adulte, j’excellais à construire des choses, mais il m’a fallu du temps pour apprendre comment les lignes symboliques d’un jeu de dessins techniques se reliaient à la vidéo de la maison ou de la pièce d’équipement qui était dans mon imagination. Une fois que j’ai appris à lire les schémas techniques, je pouvais alors instantanément traduire les symboles sur les schémas en une visualisation de la structure terminée. Quand j’ai eu 28 ans, ma capacité à concevoir des projets s’est soudainement améliorée après que j’aie observé un dessinateur qualifié. J’ai acheté un crayon juste comme le sien, et ensuite j’ai copié son style, mais le schéma que j’ai fait était un nouveau schéma. Quand celui-ci fut terminé, je pouvais jouer la vidéo et tester le matériel pour voir s’il pouvait marcher. La pensée visuelle n’est pas une méthode rapide de pensée. Cela prend du temps de jouer la vidéo. Je suis incapable d’accéder instantanément à ma mémoire. Un comptable autiste m’a écrit et m’a expliqué qu’il devait penser lentement au bureau, mais qu’il pouvait résoudre des problèmes qui étaient difficiles pour les autres comptables.

La pensée visuelle s’associe aussi avec l’idée d’être intellectuellement doué. Albert Einstein était un penseur visuel qui a échoué face aux exigences linguistiques de l’enseignement supérieur, et comptait sur des méthodes visuelles pour étudier (Holton 1971-72). Sa théorie de la relativité était basée sur des images visuelles de fourgons mobiles et de chevauchées sur des rayons de lumière. L’histoire de la famille d’Einstein comprend une forte incidence d’autisme, de dyslexie, d’allergies alimentaires, de hautes aptitudes intellectuelles et de talents musicaux, et il avait lui-même beaucoup de traits autistiques — un lecteur astucieux a mis ceci en évidence dans Einstein et Einstein (1987) —. D’autres grands scientifiques, tels que Léonard de Vinci, Faraday et Maxwell, étaient des penseurs visuels (West 1991).

La douance intellectuelle est commune dans l’histoire familiale de beaucoup de personnes autistes. Dans l’histoire de ma propre famille, mon grand-père paternel était un pionnier qui a lancé la plus grande exploitation agricole de blé dans le monde. J’ai une sœur dyslexique qui est très douée dans l’art de décorer les maisons.

Quand je pense à des concepts abstraits, tels que les relations avec les gens, j’utilise des images visuelles, telles qu’une porte coulissante vitrée. L’approche relationnelle doit se faire doucement, parce que foncer trop rapidement peut fracasser la porte. Penser à la porte n’était pas suffisant ; il fallait effectivement que je marche à travers elle. Quand j’étais à l’école secondaire et au collège, j’avais des portes véritables et physiques qui symbolisaient des changements majeurs dans ma vie, telles que des remises de diplômes. La nuit, je montais à travers une trappe dans le toit du dortoir, pour m’asseoir sur ce toit et penser à la vie après le collège. La trappe symbolisait le passage du diplôme. Les portes étaient un langage visuel pour exprimer des idées qui sont habituellement verbalisées.

Park et Youderian (1974) signalent aussi l’utilisation de symboles visuels, tels que des portes, pour décrire des concepts abstraits. La visualisation m’a permis de comprendre le Notre Père. Je voyais La puissance et la gloire comme des pylônes de lignes électriques à haute tension ainsi qu’un arc-en-ciel flamboyant. Je visualise le mot trespass par le panneau No Trespassing sur l’arbre du voisin.

Je n’utilise plus les portes coulissantes pour comprendre les relations personnelles, mais j’ai toujours besoin d’associer une relation particulière à quelque chose que j’ai lu ou expérimenté. Par exemple, un conflit entre mes voisins m’était comme les États-Unis et l’Europe se battant à propos des taxes douanières.

Park (1967) a aussi expliqué que sa fille apprenait les noms en premier lieu. Les noms sont faciles parce qu’ils peuvent être associés à des images dans notre esprit. Des mots inadéquats sont souvent employés. Par exemple, le nom Dick a été employé en rapport avec la peinture. Cela s’est produit parce que la fille de Park a vu une image de Dick en train de peindre un meuble dans un livre. Park (1967) a décrit également pourquoi sa fille a eu des problèmes avec l’inversion des pronoms et n’utilisera pas le mot Je. Elle pense que son nom est toi parce que c’est ainsi que les gens l’appellent. Charlie Hart a résumé la pensée autiste avec cette déclaration concernant son fils autiste Ted : Les processus de pensée de Ted ne sont pas logiques, ils sont associatifs (Hart 1989). Les méthodes visuelles de pensée des personnes autistes peuvent expliquer certains des problèmes de Théorie de l’esprit que Frith (1989) a évoqués. La pensée visuelle et associative expliquerait l’observation de Frith qu’un enfant peut dire pain grillé quand il est heureux.

J’ai toujours des difficultés avec les longues chaînes d’informations verbales. Si des instructions verbales contiennent plus de trois étapes, j’ai besoin de les noter. Beaucoup d’autistes ont des problèmes à se souvenir de la séquence d’un jeu d’instructions. Les enfants autistes exécutent mieux les instructions écrites auxquelles ils peuvent se référer, par comparaison à des instructions verbales ou une démonstration d’une tâche, ce qui requiert de se souvenir d’une suite d’étapes (Boucher et Lewis 1989).

L’algèbre est à peu près impossible, parce que je ne peux pas faire d’image visuelle, et je mélange les étapes dans l’ordre de résolution d’un problème. J’ai beaucoup de traits dyslexiques, tels qu’intervertir les nombres et les mots de sonorités similaires tels que over et other. Apprendre les statistiques a été extrêmement difficile, parce que je suis incapable de conserver un élément d’information dans mon esprit pendant que je traite l’étape suivante. Je dois travailler avec un guide, et noter les directions pour exécuter chaque test. Chaque fois que je fais un test statistique, je dois prendre des notes. Il m’est facile de comprendre les lois des statistiques, parce que je peux visualiser les distributions normales ou biaisées des population. Le problème est que je ne peux pas me rappeler de la séquence pour faire les calculs.

Donna Williams (1992), une femme autiste australienne, a décrit des difficultés similaires. Elle était incapable d’apprendre les mathématiques, jusqu’à ce qu’elle ait observé le professeur en train d’écrire chaque étape. Comme moi, elle avait besoin de voir chacune des étapes écrite sur le papier. Si la plus petite étape est laissée de côté, son esprit autiste est largué. L’image visuelle de toutes les étapes écrites lui est essentielle. Donna est aussi devenue frustrée parce que son calculateur n’avait pas de bouton pct pour trouver les pourcentages. Les mots qui n’ont pas de sens visuel concret tels que mettre ou sur ont besoin d’être mis sous une forme écrite afin d’être entendus et qu’on s’en souvienne (Park 1967). Le langage écrit est plus facile à comprendre que le langage verbal. Saisir au clavier est souvent plus facile qu’écrire à la main. Beaucoup d’autistes ont des problème de contrôle moteur qui résultent en une écriture confuse et illisible. Même les autistes extrêmement verbaux peuvent souvent mieux s’exprimer en utilisant le langage écrit, ou bien tapé au clavier. Quand je veux expliquer comment je me sens réellement à propos de quelque chose, je m’exprime mieux en l’écrivant.

Revenir au
sommaire

Communication

J’ai crié, parce que c’était ma seule manière possible de communiquer. Quand les adultes me parlaient directement, je pouvais comprendre tout ce qu’ils me disaient. Quand les adultes parlaient entre eux, cela sonnait comme du baragouin. J’avais les mots que je voulais dire dans mon esprit, mais je ne pouvais juste pas les faire sortir ; c’était comme un gros bégaiement. Quand ma mère voulait que je fasse quelque chose, je criais souvent. Si quelque chose m’ennuyait, je criais. C’était ma seule manière possible d’exprimer mon mécontentement. Si je ne voulais pas porter un chapeau, ma seule manière possible de communiquer mon désir de ne pas porter ce chapeau était de le jeter sur le plancher, et de crier. Être incapable de parler était une frustration totale. Je criais chaque fois que mon instituteur dirigeait son pointeur dans ma direction. J’avais peur, parce qu’il m’avait été dit à la maison de ne jamais diriger un objet pointu vers quelqu’un. Je craignais que le pointeur vienne se planter dans mes yeux.

Mon orthophoniste avait besoin de me mettre dans un léger état de stress, afin que je puisse faire sortir les mots. Elle me tenait doucement par le menton, me disait de la regarder, et ensuite me demandait d’émettre certains sons. Elle savait exactement jusqu’où elle pouvait être intrusive. Si elle avait trop fait pression, j’aurais pu avoir un accès de colère ; si elle l’avait insuffisamment fait, il n’y aurait eu aucun progrès. Pendant des visites récentes à des programmes pour l’autisme, j’ai constaté l’utilisation de cette technique dans plusieurs types différents de ces programmes. Quand j’ai commencé à parler, mes mots étaient appuyés avec une emphase sur les sons des voyelles. Par exemple, bah pour balle. L’orthophoniste forçait sur les sons des consonnes dures pour aider mon cerveau à les percevoir. Elle prenait une tasse (cup) et disait ccc u ppp. Les voyelles étaient plus faciles à entendre que les consonnes. Mes problèmes de langage et de parole étaient similaires à la perte de la parole qui survient chez les enfants qui ont subi une opération de chirurgie pour leur enlever des tumeurs au cervelet ou dans le vermis cérébelleux (Rekate et al. 1985). Ces enfants perdaient l’usage de la parole, puis retrouvaient progressivement leur capacité à dire quelques mots accentués. Leur capacité à comprendre la parole restait normale. Courchesne et al. (1988) et Murakami et al. (1989) ont trouvé, chez les autistes modérés jusque chez les autistes de haut niveau, un pourcentage élevé de cas, soit de sous-développement cérébelleux, soit d’anomalies dans le vermis cérébelleux. Dans mon propre cas, des IRM de mon cerveau ont révélé que mes hémisphères cérébelleux étaient plus petits que la normale.

Revenir au
sommaire

Les sous-types de l’autisme

Quelle est la différence entre les TED (Troubles Envahissants du Développement), l’autisme, le syndrome d’Asperger, etc. ? Il est douteux qu’il y ait des limites nettes entre les différentes catégories de diagnostic, blanches ou noires. Il est probable qu’il y ait un continuum où chaque catégorie de diagnostic se fond dans la suivante, en passant par différentes tonalités de gris. Même si les différents types d’autisme sont sur un continuum, les caractéristiques de ces différents types peuvent être différentes. Il est bien connu que les différents types d’autisme réagissent différemment à des médicaments variés. Du point de vue du traitement, ils sont aussi différents que des pommes et des oranges, mais d’un point de vue neurologique, les différences peuvent être moins claires. Les différents sous-types de l’autisme peuvent aussi bien différer d’un point de vue émotionnel. Quand on se déplace d’une extrémité du spectre des sous-types jusqu’à l’autre extrémité, les émotions peuvent varier depuis un manque d’affects jusqu’à des émotions plus proches de la normale.

Au cours de conversations avec des centaines de parents, et par la lecture de littérature scientifique, j’ai divisé le diagnostic de l’autisme en deux vastes catégories :

  1. les types Kanner/Asperger (nommé d’après les médecins qui ont découvert l’autisme) (Kanner 1943 et Asperger 1944), et
  2. les types régressifs/épileptiques.

Les syndromes de l’X fragiles et de Rett, les dommages fœtaux connus, ainsi que les dommages dus à de fortes fièvres, ne sont pas inclus.

Les deux types ont probablement une solide base génétique. Des conversations avec des parents indiquent qu’ils ont tous les deux le même profil d’histoire familiale (Grandin 1992a). Un entretien avec Margaret Bauman a indiqué que les deux types ont le même modèle d’anomalies cérébrales (Bauman 1991, et Bauman et Kemper 1994). Durant des études d’autopsies, elle a examiné les deux types. Il est possible que les différents symptômes cliniques entre les deux types puissent être expliqués par des variations subtiles des anomalies cérébrales, dans le cadre plus large d’anomalies de base dans le système limbique, l’hippocampe, l’amygdale et le cervelet.

Revenir au
sommaire

Les types Kanner/Asperger

Le syndrome d’Asperger est probablement un type atténué de l’autisme de Kanner de haut niveau traditionnel. Les personnes avec un syndrome d’Asperger peuvent souvent fonctionner mieux dans la communauté, et ont un discours et des formes de pensée plus normaux. Les recherches de Bowler (et al. 1992) à l’Université de Londres ont montré qu’ils peuvent résoudre des problèmes simples de Théorie de l’esprit auxquels les autistes de haut niveau traditionnels échouent. Un exemple de problème de Théorie de l’esprit est : Peter pense que Jane pense etc.. Les deux types Kanner et Asperger ont des déficits dans la résolution flexible de problèmes, de reconnaissance faciale, et de coordination motrice fine. Des tests à l’Université de Denver par Ozonoff (et al. 1991) indiquent que les deux types ont de piètres résultats au Wisconsin Card Sorting Test qui est un test de résolution flexible de problème. La plupart des personnes autistes sont des penseurs visuels, mais il y a un certain nombre de personnes ayant un syndrome d’Asperger qui sont bons dans les nombres et ont de médiocres compétences visuelles.

Les types Kanner/Asperger s’étendent en partant d’individus avec des modes de pensée rigides et un tempérament relativement calme jusqu’à des personnes avec des modes de pensée plus normaux, mais avec beaucoup de problèmes d’anxiété et de sensibilité sensorielle. Beaucoup de ces individus ont des affects plats. L’excellent livre de Charlie Hart’s (1989), Without Reason, décrit des exemples du premier type, et mon livre, Penser en images (Thinking in Pictures, 1995), ainsi que le livre d’Annabelle Stehli (1991), Sound of a Miracle, décrit le second type.

Revenir au
sommaire

Médicaments pour les types Kanner/Asperger

À la puberté, j’ai eu de graves problèmes d’anxiété, de nervosité, et de sensibilité au toucher et aux sons. L’anxiété se ressentait comme un état de trac continu, sans raison d’être. Les plus mauvais jours, je me sentais comme si j’étais traquée par un tueur à gages. Une utilisation correcte des médicaments appropriés a changé ma vie. Mon discours est devenu plus modulé, et je suis devenu plus sociable quand l’anxiété s’est adoucie. Les individus ayant des problèmes d’anxiété et de nervosité ont plus de chances de bien réagir à de petites doses de médicaments antidépresseurs tels que la clomipramine (McDougal et al. 1992 et Gordon et al. 1993) et la fluoxétine (Cook et al. 1992). Des doses réduites de médicaments antidépresseurs peuvent être utilisées pour empêcher des problèmes d’agitation et d’irritabilité.

Plusieurs articles que j’ai lus au sujet de l’usage des antidépresseurs en matière d’autisme ont fait état du fait que l’effet bénéfique du médicament s’atténuait après quelques semaines ou quelques mois. Quand le dosage était relevé, il y avait des problèmes d’insomnie, de nervosité et d’agitation. Ces effets secondaires sont causés par une surdose de l’antidépresseur ; et s’ils se produisent, le dosage doit être immédiatement réduit. J’utilise le même dosage réduit depuis vingt ans. Quand j’ai commencé pour la première fois à prendre des antidépresseurs, leur effet s’est atténué après quatre mois, et l’anxiété est revenue. J’ai maintenu le même dosage, et le médicament a commencé à refaire effet quelques semaines plus tard. Si l’effet de l’antidépresseur paraît s’affaiblir, et que l’anxiété ou les mauvais comportements reviennent, n’augmentez pas le dosage. Restez sur le même dosage, et l’antidépresseur va généralement recommencer à faire effet une fois la période de régression écoulée. Trouvez le plus faible dosage qui fonctionne effectivement, et ne l’augmentez JAMAIS. La fluoxétine est recommandée si l’EEG présente des anomalies, parce qu’elle est moins susceptible de provoquer des crises d’épilepsie. Un autre avantage de la fluoxétine est qu’elle a moins d’effets secondaires inconfortables. Des rapports anecdotiques d’autres adultes autistes ont indiqué que la fluoxétine a amélioré leurs vies. La fluoxétine et les autres antidépresseurs devraient n’être utilisés que très modérément chez les enfants.

L’utilisation de médicaments forts chez les jeunes enfants est un domaine très controversé. Des médicaments donnés alors que le cerveau est en développement risqueraient d’avoir un effet permanent sur le développement des systèmes neurotransmetteurs. Certains médicaments peuvent être très nocifs, mais il y a aussi la possibilité que certains puissent être bénéfiques. On doit toujours mettre les risques en balance avec les avantages. Une méthode empirique bien établie est de dire que le médicament devrait avoir un effet évident, voire même relativement spectaculaire. Des recherches ont montré que les très jeunes enfants autistes ont un niveau de sérotonine anormalement bas dans leur cerveau, comparés à celui des enfants normaux (Chugani et al., 1999). Les médicaments tels que la fluoxétine et d’autres inhibiteurs de la recapture de la sérotonine vont augmenter le niveau de sérotonine dans le cerveau. Ceci pourrait être bon pour le cerveau d’un jeune autiste. Des recherches sur les rats ont maintenant montré que la fluoxétine peut favoriser le développement des circuits de sérotonine dans le cerveau (Wegerer et al., 1999). Actuellement, personne ne sait si la fluoxétine est bonne ou mauvaise pour les jeunes enfants autistes.

Revenir au
sommaire

Les types Régressifs/Épileptiques

Ces individus ont souvent des problèmes neurologiques plus évidents, et leur capacité à comprendre la parole est souvent pauvre. Même s’ils peuvent passer un test d’écoute d’un son clair standard, ils peuvent ne pas être capables d’entendre des sons complexes faits de paroles. Certains d’entre eux ne peuvent pas suivre un ordre simple comme mets le livre sur ta tête. Volkmar et Cohen (1989) ont été les premiers chercheurs à identifier la forme régressive (ou à début tardif) d’autisme. Beaucoup de ces enfants ont des signes d’activité épileptique subtile, telle qu’un regard qui se fige et donne l’air d’être loin ailleurs. Certains de ces individus peuvent avoir des brouillages et des mélanges sensoriels, tandis que les types Kanner/Asperger ont une bonne perception de la parole et peuvent comprendre ce que les gens disent. Les régressifs peuvent n’entendre qu’un fouillis sonore. Allen et Rapin (1993) ont déclaré que les enfants ayant un comportement autistique qui sont complètement muets, sans perception de la parole, peuvent être initiés au langage au moyen d’une modalité visuelle. Certains de ces enfants peuvent apprendre à parler quand on leur enseigne la lecture.

Beaucoup d’enfants régressifs/épileptiques sont étiquetés de bas niveau et ont de faibles scores de QI. Certains peuvent être retardés, mais d’autres peuvent recevoir une étiquette de bas niveau parce que leurs problèmes de processus sensoriels leur rendent la communication difficile. Des conversations avec de nombreux parents ont montré que ce groupe est le plus susceptible d’avoir une réaction favorable à la vitamine B6, au magnésium (Rimland 1988) ou aux suppléments DMG (Rimland 1990). Des chercheurs en France ont documenté le fait que la vitamine B6 et les suppléments de magnésium sont efficaces (Martineau et al. 1985, 1986).

Des anticonvulsifs tels que l’acide valproïque ou l’éthosuximide peuvent être utiles pour améliorer la parole et la capacité à comprendre la parole chez les enfants autistes non verbaux de trois à cinq ans (Plioplys 1994, Gillberg, 1991). Fankhauser et al. (1992), et Jaselskis et al. (1993) ont rapporté que la clonidine est bénéfique pour les problèmes de comportement. Une préoccupation récente existe à propos des risques liés à la clonidine chez l’enfant. Le Dr. Ed Cook rapporte que la clonidine cesse de faire effet en quelques mois si elle est donnée continuellement. Il recommande de l’utiliser seulement en cas de nécessité, pour aider un enfant ou un adulte à dormir, et de ne pas lui en donner pendant la journée. On doit toujours considérer les risques face aux avantages. Les rapports des parents, ainsi qu’un rapport de Ricketts (1993), indiquent que la fluoxétine est utile pour réduire l’automutilation. Des problèmes de comportement sérieux se produisent parfois à la puberté, et les adolescents et les adultes autistes peuvent avoir des accès de colère ou d’agressivité graves. Les bêtabloquants tel que le propranolol sont efficaces pour réduire l’agressivité chez les adultes (Ratey et al. 1987). Le Dr. Ratey a aussi trouvé que la rispéridone contrôle l’agressivité et les colères qui ne réagissent pas positivement aux autres médicaments.

Le Dr. Joe Huggins travaille depuis des années avec des adolescents et des adultes pour trouver des régimes médicamenteux efficaces sur les cas d’agressivités et de colères très graves. Le Dr. Huggins rapporte que la rispéridone doit être donnée en doses très faibles pour être la plus efficace. Ce médicament affecte les systèmes de sérotonine et de dopamine dans le cerveau. De très petites doses, qui peuvent être aussi faibles qu’un quart de la dose normale de démarrage, sont recommandées. Une dose extrêmement faible affectera seulement le système de sérotonine, et laissera en dehors le système de dopamine. Un effet secondaire indésirable de la rispéridone, chez certaines personnes autistes, est un important gain de poids. Le Zyprexa (olanzapine) provoque des prises de poids encore plus graves.

Une entrevue avec le Dr. Huggins a indiqué qu’il y a trois médicaments qu’il utilise avec les adultes et adolescents dysfonctionnels qui ont des difficultés à gérer l’agressivité, la colère ou l’automutilation. Il s’agit de la rispéridone, de l’acide valproïque et du propranolol. Il utilise ces trois médicaments, soit isolément, soit dans des combinaisons variées. Le Dr. Huggins recommande de très faibles doses de 0,5 à 1,5 mg de rispéridone pour contrôler la colère chez les adolescents et adultes autistes. La rispéridone est plus efficace sur les colères de type alpha où la colère est dirigée vers une personne spécifique. La dose maximale de rispéridone est de 2 mg, si on ne veut pas qu’elle s’infiltre dans le système dopaminique. Une dose trop élevée est moins efficace pour réduire l’anxiété. Pour les colères de type beta, qui sont diffuses et non dirigées vers une cible spécifique, le Dr. Huggins a eu quelques succès avec les bêtabloquants tels que le propranolol. Chez les autistes non-verbaux ou bien faiblement verbaux, le Dr. Huggins évite la plupart des ISRS, tels que le Prozac (fluoxétine), à cause des problèmes d’interactions avec le rispéridol. La paroxétine (Paxil) et la fluvoxamine (Luvox) interagissent mal avec la rispéridone. Le Dr. Huggins préfère le Celeca (citalopram) si un ISRS doit être mélangé avec la rispéridone, parce que c’est l’ISRS qui pose le moins de problèmes d’interactions.

Si les élans d’agressivité suivent un cycle de va-et-vient, le Dr. Huggins prescrit souvent de l’acide valproïque. Pour les personnes avec autisme les moins fonctionnelles, ses choix de base de médicaments pour contrôler les comportements difficiles sont : une faible dose de rispéridone, d’acide valproïque et de propranolol. Pour les adolescents et adultes autistes de haut niveau, un des ISRS tel que la fluoxétine ou bien un des autres ISRS, est souvent le meilleur médicament à utiliser là où un médicament unique peut être utilisé pour contrôler à la fois la dépression et l’anxiété. Beaucoup de d’autistes de haut niveau réagissent très bien à un ISRS isolé tel que le Prozac (fluoxétine). Le Dr. Huggins a aussi rapporté qu’une combinaison d’un régime réduit en sucre avec du propranolol était plus efficace que le propranolol utilisé isolément.

Les publication du Dr. Huggins peuvent être commandées en appelant le 416-449-5511 ou le 416-445-3032 (aussi, www.bitemarks.com). Sa brochure à reliure spirale intitulée Diagnostic and Treatment Model for Managing SIB, Rage and other Hyperadrenergic Behaviors in the Autistic, PDD, and DD Populations peut être obtenue en contactant : Kerry’s Place, 34 Berczy St., Suite 190, Aurora, Ontario, Canada, L4G 1W9 ; Fax : 905-841-1461.

Les accès d’agressivité chez les adolescents et adultes autistes sont quelquefois causés par des crises dans les lobes frontaux ou temporaux. Ces crises (épisodes épileptiques) sont souvent difficiles à détecter à l’EEG (Gedye 1989, 1991). De telles crises doivent être suspectées si les colères se produisent de façon totalement aléatoire. La plupart des autres types d’agressivités et de colères sont habituellement déclenchées par certains événements tels que de la frustration dans la communication, des stimuli sensoriels pénibles ou un changement inattendu dans la routine. Si de l’épilepsie est suspectée, l’adolescent peut réagir positivement à de la carbamazépine, de l’acide valproïque ou du sodium divalproex (Gedye et al. 1989, 1991). Des suppléments de calcium peuvent aider à prévenir de graves automutilations telles que l’arrachage des yeux (Coleman 1994).

Lorsqu’un médicament est utilisé, des observations attentives devraient avoir lieu pour déterminer si celui-ci est réellement efficace. Ainsi que je l’ai dit auparavant, on doit mettre les risques en balance avec les avantages. Afin d’éviter de dangereuses interactions médicamenteuses, consulter Graedon et Graedon (1995). Le jus de pamplemousse devrait être évité : il interagit mal avec certains médicaments. On doit se poser la question : est-ce que ce médicament procure suffisamment d’améliorations pour qu’il vaille le coup de prendre le risque ? Chez les individus non-verbaux, un examen médical soigné est recommandé pour rechercher des problèmes médicaux pénibles et cachés qui pourraient causer de l’automutilation ou bien de l’agressivité. Rechercher des infections des oreilles, des maux de dents, des problèmes digestifs, des maux de tête ou bien des problèmes aux sinus.

Revenir au
sommaire

Stratégies éducatives et sous-types

Un programme d’enseignement et de thérapie qui a bien fonctionné pour moi peut être pénible et déroutant pour certaines personnes autistes régressives/épileptiques ayant un plus mauvais fonctionnement. Mon orthophoniste me forçait à la regarder. J’avais besoin d’être poussée hors de mon monde autistique et maintenue occupée. Certains enfants avec des problèmes sensoriels plus graves peuvent se retirer davantage parce que cette intrusion surcharge complètement leur système nerveux immature. Ils réagiront souvent mieux à des méthodes d’apprentissage plus douces telles que murmurer doucement à l’enfant dans une pièce sans éclairages fluorescents ni distractions visuelles. Donna Williams (1994) a expliqué que le contact oculaire forcé provoquait l’arrêt de son cerveau. Elle a déclaré que quand les gens lui parlaient, leurs mots devenaient un brouhaha confus, leurs voix se réduisaient à des motifs sonores (Painter 1992). Elle ne pouvait utiliser qu’un seul canal sensoriel à la fois. Si Donna écoute quelqu’un parler, elle est incapable de percevoir un chat sautant sur ses genoux. Si elle s’occupe du chat, alors sa perception de la parole est bloquée. Elle se rendait compte qu’il y avait quelque chose de noir sur ses genoux, mais elle ne pouvait pas le reconnaître comme étant un chat jusqu’à ce qu’elle arrête d’écouter son ami parler.

Elle a expliqué que si elle faisait attention à l’intonation du discours, elle ne pouvait pas entendre les mots. Un seul aspect de sa perception sensorielle pouvait être traité à la fois. Si elle était distraite par la perception visuelle de quelqu’un regardant son visage, elle ne pouvait pas l’entendre. D’autres personnes autistes ont expliqué qu’il leur avait été difficile de déterminer que la parole était utilisée pour la communication. Kins, un homme autiste, a ajouté que si quelqu’un le regardait dans les yeux, son esprit devenait vierge et sa pensée s’arrêtait ; c’était comme un état crépusculaire. Cesaroni et Garber (1991) ont aussi parlé de confusion et de mélanges de canaux sensoriels. Jim, un homme autiste, a expliqué que Quelquefois, les canaux devenaient confus, comme quand les sons parviennent comme des couleurs. Il a aussi dit que le fait de toucher la partie inférieure de son visage lui causait une sensation similaire à un son. Donna m’a dit qu’elle avait parfois des difficultés à déterminer où sont les limites de son corps. Cesaroni et Garber (1991) ont aussi noté des problèmes avec la localisation d’un stimulus tactile. La tendance de certaines personnes autistes à constamment se toucher eux-mêmes, ainsi que les objets autour d’eux, peut être une tentative pour stabiliser leur corps et leurs limites environnementales. Therese Joliffe, une femme autiste, a expliqué qu’il lui était plus facile d’apprendre par le toucher parce que le toucher était son sens le plus fiable (Joliffe et al. 1992). Donna m’a dit que le traitement d’intégration sensorielle, consistant en une friction de sa peau avec des brosses, l’avait aidée. Même si elle n’aimait pas la perception tactile des brosses, elle a rapporté que cela avait aidé ses différents systèmes sensoriels à fonctionner ensemble et à devenir mieux intégrés. Son processus sensoriel devenait aussi plus normal quand elle se relaxait et se focalisait sur un seul canal sensoriel. Donna pourrait être à mi-chemin le long du continuum entre le type Kanner/Asperger et le type Régressif/Épileptique.

Revenir au
sommaire

Modèles d’anomalies neurologiques

Aussi bien les types Kanner/Asperger que les types Régressifs/Épileptiques présentent des anomalies du cervelet (Bauman 1991, Bauman et Kemper, 1994). Les anomalies cérébelleuses peuvent expliquer les problèmes de sensibilité aux sons et au toucher observées dans la plupart des formes d’autisme. Des recherches sur les rats ont montré que le vermis cérébelleux module les perceptions sensorielles (Crispino et Bullock, 1984). Des stimulations du cervelet avec une électrode rendront un chat hypersensible à la fois au son et au toucher (Chambers 1947). Le cervelet peut agir comme un contrôle de volume pour l’ouïe, la vision et le toucher. Courchesne et al. (1988) ont trouvé que beaucoup d’autistes de haut niveau Kanner/Asperger avaient des anomalies du vermis cérébelleux. Les types Kanner/Asperger peuvent aussi avoir un cervelet plus petit que la normale. Des scanners IRM de mon propre cerveau ont indiqué que mon cervelet était 20 % plus petit que la normale ; et un génie de l’informatique autiste de type Kanner ultra classique a un cervelet qui est 30 % plus petit que la normale.

Comme il a été dit précédemment, le personnes autistes de type Régressif/Épileptique les plus gravement atteintes ont de des problèmes de traitement sensoriel plus beaucoup plus importants. La plupart des types Kanner/Asperger n’éprouvent pas de brouillage sensoriel, et ils peuvent porter attention simultanément à des perceptions visuelles et auditives. Dans les cas les plus graves, tels que Williams (1993) et Cesaroni et Garber (1991), les sensations des yeux et des oreilles peuvent se mélanger entre elles. Les individus autistes traitent l’information très lentement, et on doit leur donner du temps pour réagir. Les adultes non-verbaux traiteront les perceptions sensorielles plus lentement que les adultes verbaux. Certains individus avec de très graves problèmes de traitement sensoriel peuvent avoir besoin de plusieurs heures pour récupérer après avoir éprouvé une surcharge sensorielle. Les parents demandent souvent, comment puis-je dire à quel point sont graves les problèmes sensoriels de mon enfant ?. Les enfants et adultes qui ont des accès de colère chaque fois qu’ils vont dans un grand supermarché ou dans un centre commercial ont généralement de graves problèmes de traitement sensoriel. Les enfants et adultes qui prennent plaisir à faire des courses dans des grands magasins ont d’habitude de moins graves problèmes sensoriels. Le degré de problèmes de traitement sensoriel variera grandement d’un cas à l’autre. Ce degré peut varier d’une légère sensibilité aux sons jusqu’à un brouillage et un mélange sensoriel. Lewis (1993) décrit son fils, qui peut être à mi-chemin entre le type Kanner/Asperger et le type Régressif/Épileptique. Il n’a pas la manière de pensée rigide du type Kanner typique, et il comprend les tenants et aboutissants des conversations. Cependant, il a des signes de sérieux problèmes de traitement sensoriel, parce qu’il met en œuvre des comportements d’auto-stimulation dans presque toutes les modalités sensorielles. Il est possible que ceci soit dû à des anomalies du tronc cérébral en plus des anomalies cérébelleuses. Hashimoto et al. (1992) ont trouvé que les personnes autistes peu fonctionnelles et avec de faibles niveaux de QI ont des troncs cérébraux plus petits. McClelland et al. (1992) ont aussi trouvé que les individus peu fonctionnels avaient plus de chances d’avoir des résultats anormaux dans un test de temps de la conduction centrale, qui est une mesure de la fonctionnalité du tronc cérébral.

McClelland et al. (1992) croient que les personnes autistes ont un défaut de myélinisation. Ceci expliquerait les fréquentes occurrences d’épilepsie et de tronc cérébral anormal — potentiellement évoqué chez les enfants autistes plus âgés —. La myéline forme l’étui gras autour des neurones. C’est comme l’isolation des fils électriques. Le manque de myélinisation peut aussi expliquer le mélange des perceptions sensorielles des yeux et des oreilles, et l’extinction de l’esprit qui se produit quand une personne autiste devient excitée. Cette mise en dehors et ce brouillage peuvent être dus à des crises d’épilepsie miniatures qui se produisent entre les neurones pauvrement myélinisés. Jim, une des personnes autistes que Cesaroni et Garber (1991) ont interrogées, ont émis la théorie que certains sons effrayants peuvent agir comme un déclencheur de désorganisations du traitement, similaires aux crises d’épilepsie qu’une lampe clignotante peut provoquer.

Revenir au
sommaire

Cause de l’autisme

L’autisme est un désordre neurologique qui ne résulte pas de facteurs psychologiques. Un héritage complexe de nombreux facteurs génétique est la cause de la plupart des cas d’autisme. Il y a un continuum entre la normalité et l’anormalité. Les traits autistiques se retrouvent souvent de façon atténuée chez les parents, frères et sœurs et dans la proche parenté d’un enfant autiste (Narayan et al. 1990 ; Landa et al. 1992). Certains des traits qui semblent être associés avec l’autisme sont : des prouesses intellectuelles, de la timidité, des difficultés d’apprentissage, la dépression, l’anxiété, des accès de panique, le syndrome Gilles de la Tourette (trouble se caractérisant par des tics), ainsi que l’alcoolisme (Narayan et al. 1990; Sverd 1991). Il y a une forte corrélation entre le syndrome d’Asperger et les troubles maniaco-dépressifs (Delong et Dyer, 1988). Il est possible qu’une petite partie de ces traits génétiques confèrent un avantage, tels qu’une grande intelligence ou de la créativité ; de trop nombreux autres traits causeront des problèmes (Clark 1993). D’autres causes possibles d’autisme sont le syndrome de l’X fragile, des agressions aux fœtus telles que la rubéole et d’autres virus, et de fortes fièvres survenant à un âge très jeune.

Des recherches en autopsie du cerveau (Bauman 1991, Bauman et Kemper 1994), ainsi que des études d’IRM (Courchesne et al. 1988 ; Hashimoto et al. 1992) ont montré que les personnes autistes avaient des anomalies structurelles dans le cerveau. Certaines zones du cerveau, telles que le système limbique et le cervelet seraient immatures. D’autres études ont montré que les personnes autistes ayant le plus mauvais fonctionnement avaient aussi une transmission anormalement lente des impulsions nerveuses à travers le tronc cérébral (McClelland et al. 1993), et des motifs d’EEG immatures (Cantor et al. 1986). Le Dr. Patricia Rodier (2000) explique que les anomalies du cerveau qui provoquent l’autisme sont apparues très tôt dans le développement de l’embryon. Ses recherches ont montré qu’il y a des défauts dans le développement du tronc cérébral qui se sont produits autour de la fin du premier mois de grossesse. Une structure appelée l’olive supérieure est manquante dans le tronc cérébral. Ceci peut expliquer le manque de développement du cervelet dans les cas d’autisme. En résumé, l’autisme est un trouble dans lequel certains parties du cerveau sont sous-développées, tandis que d’autres parties peuvent être sur-développées. Ceci est une explication possible de la raison pour laquelle certains autistes ont un sens visuel amélioré et des aptitudes particulières.

Revenir au
sommaire

Conclusions

Les professeurs, thérapeutes et autres professionnels qui travaillent avec des personnes autistes ont besoin de reconnaître et de traiter les problèmes sensoriels de l’autisme. Les programmes de traitement qui sont appropriés et bénéfiques pour un type d’autisme peuvent être pénibles pour d’autres types. Aux âges de deux à quatre ans, beaucoup d’enfants autistes réagiront probablement bien à des traitement peu intrusifs où il est demandé à l’enfant de maintenir le contact oculaire avec le professeur. Lovaas (1987) a documenté le fait que très approximativement la moitié des jeunes enfants s’amélioreront suffisamment pour qu’ils puissent être inscrits à l’école primaire à l’âge de six ou sept ans. Il est probable que les enfants qui ne se sont pas améliorés avec le programme de Lovaas éprouvaient des surcharges sensorielles. Ils peuvent répondre mieux à une approche plus douce qui ne fait appel qu’à un seul canal sensoriel à la fois. Au fur et à mesure que les enfants deviennent plus âgés, ils tendent à se séparer en deux groupes : les enfants comme moi qui peuvent être éjectés du monde de l’autisme et à qui il est demandé de l’attention, et les individus comme Donna Williams et Therese Joliffe qui réclament une approche plus douce. Le pronostic de ces deux types d’enfants sera amélioré s’ils reçoivent un minimum de 20 heures par semaine d’un bon programme d’éducation entre les âges de deux et cinq ans. Ces deux types de jeunes enfants autistes doivent être empêchés de s’isoler du monde. Ils doivent être maintenus occupés, de sorte que leurs cerveaux puissent se développer plus normalement. Pour le premier type, le professeur doit ouvrir soudainement la porte de devant, tandis que pour l’autre type, le professeur doit se faufiler tranquillement par la porte de derrière.

Revenir au
sommaire

Table

Sous-types de l’autisme

Ces sous-types se situent sur un continuum qui les fusionne l’un avec l’autre. Les renseignements donnés dans la table sont basés sur la littérature scientifique, ainsi que sur des entretiens avec des personnes autistes, des professeurs et des parents.


Type Kanner/As­per­ger (dit de haut niveau) Type Ré­gres­sif/É­pi­lep­tique (sou­vent peu fonc­tionnel)
  1. Pas de problèmes moteurs évidents, mais certains types d’As­perger tendent à être maladroits.
  1. Ont souvent des problèmes évidents de mouvements du corps, ou bien des difficultés à arrêter ou à commencer des mouvements des mains.
  1. Ont un discours réceptif, et peu­vent comprendre ce qui leur est dit (Grandin, 1986). Beaucoup d’enfants ayant un discours partiellement réceptif sont échola­li­ques. Ils répètent des phrases par­ce qu’ils en ont entendu seulement des parties.
  1. Pas de perception du discours (Allen et Pain, 1992), ou bien la perception du discours peut fluctuer considérablement. Dans les cas sévères, la perception du discours leur sera un chaos sonore. Seront probablement muets (Volkmar et Cohen 1989). Peuvent avoir des difficultés à se rendre compte que la parole sert à communiquer.
  1. Hyper-sensibilité aux sons, au toucher, ou aux stimuli visuels (Grandin et Scariano 1986 ; Grandin 1992, 1995 ; Stehli 1991 ; Volkmar et Cohen 1985 ; Bemporad 1979).
  1. Les information provenant des différents sens peuvent se brouiller et se mélanger entre elles sous forme de bruit ou de motifs divers (Sands et Ratey 1986 ; Cesaroni et Garber 1991 ; Painter 1992). Traitement sensoriel très lent (Gillingham 1995). Peuvent mieux apprendre par le toucher. Leur donner des lettres et des objets à palper.
  1. Ont rarement des crises d’épilepsie, et leurs EEG sont généralement normaux, mais peuvent avoir des anomalies cérébelleuses (Courchesne et al. 1988 ; Bauman 1991). Le développement du tronc cérébral est davantage normal.
  1. Ont souvent des crises d’épilepsie, des anomalies à l’EEG, un sous-développement du tronc cérébral, et un développement immature du système nerveux central (Gedye 1991 ; Hashimoto et al. 1992 ; McClelland et al. 1992 ; Bauman 1991 ; Bauman et Kemper 1994 ; Canter et al. 1986).
  1. Pensée concrète rigide, pas de sens commun, et manque d’affects (Kanner 1943 ; Asperger 1944 ; Hart 1989 ; Bemporad 1179).
  1. Peuvent avoir une pensée et des émotions davantage normaux (Cesaroni et Garber 1991 ; Williams 1992, 1994).
  1. Les jeunes enfants répondent bien aux méthodes d’enseignement délicatement intrusives, telles que le contact oculaire forcé ; et certains enfants âgés de trois ans ont une bonne réponse à des méthodes intensément intrusives (Lovaas 1989 ; 1993).
  1. Répondent mal aux méthodes intrusives pour cause de surcharge sensorielle (Williams, 1993). Quand ils deviennent stressés ou sur-stimulés, leurs perception des stimuli devient brouil­lée et inter-mélangée. Les métho­des d’enseignement intrusives qui mar­chent avec les jeu­nes enfants Kanner/As­perger peuvent provoquer chez eux de la confusion ou les faire souffrir.
  1. Redoutent certains bruits, parce qu’ils blessent leurs oreilles, mais peuvent être attirés par d’autres sons et stimuli visuels, tels que les portes coulissantes automatiques ou bien la chasse d’eau des toilettes.
  1. Peuvent n’être capable de prendre en charge qu’un seul canal sensoriel à la fois. Pendant l’enseignement, les distractions devraient être minimales, et les informations ne devraient leur être présentées que via un seul mode sensoriel (Cesaroni et Garber 1991 ; Williams 1993). Éviteront activement des sons et des stimuli qui peuvent exercer une attirance sur des individus moins sévèrement atteints.
  1. Certains individus peuvent avoir des problèmes d’anxiété sévères (Grandin 1986 ; 1992  1995 ; Volkmar et Cohen 1985), tandis que d’autres sont calmes (Hart 1987).
  1. Certains individus ont des problèmes d’anxiété sévères.
  1. Les adolescents et les adultes réagissent souvent à de faibles doses d’antidépresseurs, tels que la clomipramine et la fluoxétine. La clomipramine est le premier choix recommandé si l’individu a des symptômes obsessionels-compulsifs marqués. La fluoxétine a moins d’effets secondaires inconfortables, et est préférée par beaucoup d’individus. Ces médicaments ne sont généralement pas recommandés aux enfants, à moins qu’il n’y ait un sévère problème de comportement qui ne réponde pas aux interventions sensorielles ou comportementales.
  1. Les adolescents et les adultes qui ont des accès de rage ou qui sont agressifs tendent à répondre le mieux à l’inderal, à la clonidine, à la fluoxétine et la buspirone. Les médicaments pour l’épilepsie tels que la carbamazépine et l’acide valproïque sont aussi utiles. Chez les enfants, la vitamine B6, le magnésium et la DMG sont quelquefois utiles. Si la parole ne se développe pas à l’âge de quatre ans, l’éthosuximide ou l’acide vaproïque peuvent donner des résultats (Pliophys 1994, Gillberg 1991).

© Temple Grandin

Références de l’article (en anglais)



Notes concernant la traduction

Cet article a été repris de la traduction faite par Claude Jolicœur (m.d. pédopsychiatre à Montréal), faite le 18 février 1996, qu’on peut trouver à divers endroits sur le web. Cependant, étant donné qu’il s’avère que les copies disponibles de cette traduction sont très incomplètes, étant même, curieusement et pour une raison inconnue, interrompues au milieu d’un paragraphe, l’association Asperansa a pris l’initiative de réaliser (ou refaire) la partie manquante de la traduction, c’est-à-dire très précisément à partir d’ici (… la phrase discrètement soulignée).

Certains mots ou phrases de ce texte sont assortis d’annotations ajoutées par le traducteur, que l’on peut voir en les survolant avec la souris. Un léger soulignement, en gris et en pointillés, a été ajouté à ces mots ou à ces phrases pour qu’on puisse les repérer facilement. Cette caractéristique peut cependant ne pas fonctionner sur certains navigateurs Internet trop anciens.




Valid HTML 5! Revenir en haut de la page Valid CSS2!