Joseph, 19 ans, du « versant psychotique » au syndrome d’Asperger
ous sommes Francia et Armel. Notre fils Joseph a 19 ans. Depuis son plus jeune âge, nous nous sommes inquiétés à son sujet. Il a deux sœurs plus âgées que lui (26 et 22 ans) et une sœur plus jeune (18 ans). Bébé, il pleurait souvent, s'éveillait au moindre bruit … Il se balançait dans sa chaise haute ou son lit. Chez sa nourrice ou à la halte-garderie, il pleurait beaucoup … Très jeune, il s'est passionné pour des sujets sur lesquels il était intarissable, mais qui n'intéressaient pas du tout les enfants de son âge. De ce fait, il était exclu du groupe. Il nous épuisait aussi par ses monologues. La phrase que nous avons sans doute le plus répété est : « Joseph, tais-toi ! »
Nous avons consulté le CMPI de l'hôpital alors qu'il avait 4 ans car il se singularisait beaucoup à l'école, en particulier par des relations difficiles avec les autres enfants. On nous a conseillés de lui laisser du temps. À la suite du CP où Joseph a beaucoup souffert (même s'il a appris à lire), nous avons à nouveau consulté le CMPI. À la fin du CE1, Joseph a entamé une psychothérapie qui a duré environ 8 ans.
Le pédopsychiatre de l'hôpital a évoqué « un versant psychotique » au début de la thérapie. Cela nous a paru bien vague et bien inquiétant. Bien que de nombreux signes nous aient fait douter de cette assertion, il était difficile de remettre en cause le diagnostic d'un professionnel.
En accord avec sa thérapeute, psychologue à l'hôpital, Joseph a cessé sa thérapie il y a deux ans et demi. Nous avons constaté cependant qu'il n'était pas très épanoui : il nous disait que sa thérapie ne lui avait pas été d'un grand secours car elle ne lui avait pas permis de régler ses problèmes de sociabilité. Il était très seul bien que désireux d'avoir des amis. En-dehors du lycée, il ne fréquentait personne, n'appelait jamais aucun ami.
Suite à une émission de télévision et de nombreuses lectures qui nous ont appris que la psychiatrie nomme « psychose infantile » tous les troubles du développement, y compris l'autisme, nous avons pensé que notre fils pourrait souffrir du syndrome d'Asperger. L'obtention d'une licence de psychologie par Francia en 2009 nous a confortés dans cette idée. Si nous n'avons pas contacté le CRA de Brest plus tôt, c'est parce que nous avions peur de repartir dans un processus qui ne ferait que déstabiliser Joseph une fois de plus.
Il y a un an, et parce qu'une nouvelle année scolaire est toujours une source d'anxiété pour lui, il nous disait à quel point il était désespéré par sa vie. Il travaille beaucoup car il doit faire des plannings pour organiser son travail (cela lui prend beaucoup de temps), il a peur de ne pas réussir, ses résultats sont souvent en décalage avec ses connaissances car la méthodologie lui pose problème. Et surtout, il souffre de ne pas réussir à se faire des amis malgré ses efforts.
De notre côté, nous avons soutenu notre fils, en particulier dans sa scolarité, et nous l'avons aidé (avec ses sœurs) à avoir une vie sociale, certes limitée mais où il a pu apprendre un certain nombre de codes. Cependant, il devient un adulte et nous sommes de plus en plus démunis. À l'âge où il devrait commencer à voler de ses propres ailes, il semble trop souvent compter sur nous pour organiser ses loisirs, ses sorties voire ses relations.
Nous lui avons alors parlé du syndrome d'Asperger et de la possibilité d'une consultation. À notre grand étonnement, il nous a dit qu'il était d'accord plutôt que de continuer à se sentir si différent des autres et à ne pas comprendre pourquoi la vie est si difficile pour lui malgré ses efforts. Cette démarche a duré 9 mois (premiers rendez-vous et entretiens, « interviews » et tests). En juillet dernier, le diagnostic du syndrome d'Asperger était avéré. Pour Joseph comme pour nous, ce fut quelque part un soulagement : nous pouvions mettre des mots sur sa « singularité ». Joseph en a parlé avec ses sœurs, la famille et quelques connaissances. Il semble à présent moins angoissé. Cette année, Joseph est en Fac. Il a décidé de participer aux rencontres entre jeunes « Asperger », de contacter les ressources adultes à l'université …
Septembre 2010