Joseph Schovanec avait popularisé dans son rapport sur l’emploi des personnes autistes
le concept du mythe de l’autisme lourd (pp.11-12). Enfin,
popularisé
n’est peut-être pas le terme le plus judicieux,
parce qu’il s’était ramassé une volée de bois vert des parents,
par exemple de Laurent Savard.
Et aujourd’hui, Laurent Savard préface le Guide de
survie de la personne autiste
, où un aspie déconstruit le
mythe de l’autisme léger. Je rappelle que cet autisme dit
léger
conduit à un taux de mortalité par suicide 9 fois
supérieur à celui de la population, à l’égal des personnes
souffrant de schizophrénie.
Et c’est un Guide de Survie qu’a excellement rédigé
Jean-Philippe Piat, dont le diagnostic de syndrome d’Asperger a
été posé à 37 ans par le Centre Expert de Créteil de Fondamental.
S’il en était besoin, son livre confirme le diagnostic sur
l’existence d’intérêts restreints (que nous préférons
appeler spécifiques
), à savoir ici l’autisme qu’il a avalé
à tire-larigot après son diagnostic, ce qui lui permet de nous
mettre à disposition ce livre d’explications et de conseils, avec
de nombreux supports visuels.
Les sources scientifiques sont citées et sérieuses.
Reportez-vous au chapitre 9 sur les intérêts spécifiques
(p.65-70) et à ses fausses idées
: L’intérêt
spécifique demeure continu dans le temps
, Un intérêt
spécifique n’est que thématique
, Un intérêt restreint est
unique
.
D’abord je ne pense qu’à l’autisme, je ne lis que ce sujet-là, je ne parle que de cela. Toute ma sociabilité s’articule autour de l’autisme, je n’écoute plus ma femme quand elle parle, sauf si elle évoque le sujet.
Cela en devient si ridicule que pour savoir comment cuire un légume, je tape sur google
Cuire des Asperger, ou quand ma femme ditlotissement, je sors de ma torpeur pour lui dire :L’autisme ment ? Que veux-tu dire ?
Si les lacaniens divers pourraient délirer là-dessus (délire que je ne me permettrai pas d’appeler psychotique malgré les dégâts qu’ils ont faits hier et encore aujourd’hui), je vois ce livre comme l’illustration des points forts que peuvent représenter les intérêts spécifiques chez les personnes autistes.
Et pour une fois, ce n’est pas une femme qui a fait de l’autisme son intérêt spécifique. Ce sont, en effet, en nette majorité des femmes qui publient des livres, tiennent des blogs, interviennent sur les réseaux sociaux et les forums. Or, l’autisme est d’abord masculin.
Il est rédigé comme le livre d’un Asperger à destination des
autres Asperger, mais il est accessible et utilisable pour
d’autres personnes autistes, ce que confirme Laurent Savard. Et
Jean-Philippe : Au moment où j’écris ces lignes,
j’interviens aussi auprès d’un enfant autiste non verbal qui
risque de connaître un futur difficile. C’est pour lui comme pour
les autistes plus autonomes que j’écris ce livre.
Jean-Philippe tient un blog très riche : AspieConseil (avec page Facebook), et est désormais membre du bureau de l’association TouPI (Tous Pour l’Inclusion). Il a travaillé comme professeur auprès d’un public d’autistes, et comme co-animateur de groupes d’habiletés sociales.
Dans le rapport
du groupe de travail adultes pour le 4ème plan autisme,
les métiers liés à l’autisme sont cités comme métiers possibles pour les
personnes autistes. Jean-Philippe n’est pas le premier, et en est
un très bel exemple. Appuyé sur la littérature scientifique, il
donne des explications et conseils tout en s’appuyant sur sa
propre expérience. Il prend soin de mettre en garde contre toute
généralisation abusive, compte tenu de la disparité du spectre ou
de la famille de l’autisme
.
Je citerai un exemple personnel de l’intérêt de s’appuyer sur des personnes autistes. Il s’agit d’aller plus loin que la pair-aidance, puisqu’il s’agit de mettre en œuvre des compétences professionnelles. J’avais été étonné d’apprendre par des parents que ma fille, qui travaille au CRA, leur avait dit qu’elle était autiste. Nous lui avons demandé si elle le disait systématiquement. Elle nous a répondu que ce n’était pas le cas, mais qu’elle le faisait quand elle sentait que les parents étaient assommés par le diagnostic. Et après on dira que les autistes ne peuvent avoir d’empathie … Une manifestation d’empathie qui n’a sans doute pas été spontanée, mais réfléchie.