oici le parcours de mon fils, Gaspard, diagnostiqué Asperger et aujourd'hui âgé de presque 17 ans. Je souhaite que ce témoignage soit porteur d'espoir avant tout.
Gaspard a marché à l'âge de 15 mois et a parlé couramment à 3 ans, dès son entrée en petite section. Nous avons toujours senti qu'il était différent. On nous a parlé de troubles oppositionnels, d'hyperactivité, de précocité mais aussi de troubles de la personnalité, de psychose infantile. Après une douloureuse errance diagnostic, le diagnostic de Syndrome d'Asperger fut posé alors qu'il avait 10 ans. Enfin mettre un nom sur la différence de Gaspard fut un véritable soulagement.
La CLIS en fin de CE1, une orientation préjudiciable
Gaspard a suivi une scolarité ordinaire jusqu'en CE1. Ses très bons résultats scolaires lui auraient permis de passer en CE2 mais ses troubles du comportement nous ont conduit à accepter une orientation en CLIS. Là il ne progressa plus ni scolairement parlant (les matières sont enseignées de manière très allégée, les exigences des enseignants sont bien moindre et le niveau scolaire de la classe n'est pas du tout homogène) ni comportementalement parlant (12 enfants dans la classe, tous ou presque, avec des pathologies très différentes, voire sans diagnostic précis, les âges vont de 6 à 12 ans). Son estime de lui-même s'effondra et Gaspard devint de plus en plus perturbé.
Diagnostic à 10 ans
C'est lors de sa 2ème année de CLIS que ma sœur, médecin,
entendit parler du syndrome d'Asperger (SA).
Les symptômes correspondaient effectivement à ce que nous avions pu observer chez Gaspard.
Nous avons alors pris un rendez-vous au CRA (Centre de Ressources pour l'Autisme) le plus proche de chez nous.
C'est là que fut posé le diagnostic de SA.
Cette annonce fut pour nous un soulagement car nous avons enfin pu mettre un nom sur la différence de Gaspard,
nous avons pu informer les personnes qui l'entouraient (famille, école, amis …)
et mettre en place des prises en charge adaptées (graphothérapie, psychothérapie).
Nous avons pu le comprendre et l'accompagner au mieux en prenant en compte sa façon d'être et de penser,
si éloignée de la nôtre.
Retour en classe ordinaire
Nous nous sommes alors battus pour le faire réintégrer le milieu ordinaire en CM1 à mi-temps : Maths/Français le matin à l'école et Histoire/Géo + Sciences l'après-midi, à la maison via le CNED (Centre Nationale d'Etudes à Distance). Progressivement, Gaspard a suivi les cours à 2⁄3, puis 3⁄4 temps en CM1, puis à temps complet en CM2. Une 1ère demande d'AVS (auxiliaire de vie scolaire) fut refusée en CM2 puis accordée pour l'entrée en 6ème (14h/semaine).
Entrée en 6ème — avec aménagements
Je pense que la clef de la réussite de son année de 6ème, et de son intégration au collège, repose pour beaucoup sur les aménagements scolaires réalisés en accord avec, et grâce à l'équipe pédagogique du collège, et notamment au directeur adjoint et à une des documentalistes du collège :
- Gaspard ne va dans un 1er temps qu'en Maths, Français, Anglais, Histoire/Géographie et Sciences de la Vie et de la Terre ;
- Il a un accès illimité au CDI (Centre de Documentation et d'Information) où il se rend d'ailleurs à chaque récréation ;
- Son emploi du temps a été fait « sur mesure » ou presque ;
- Un grand nombre de ses profs se sont portés volontaires pour l'avoir dans leur classe ; l'un d'entre eux est son prof. principal ;
- Une des documentalistes de l'établissement s'est portée volontaire pour être sa personne ressource.
Une information sur le syndrome d'Asperger a été réalisée (dossier d'information distribué à chaque professeur, présentation de Gaspard au CPE et aux surveillants du collège, information auprès de sa classe également). C'est pour moi l'autre facteur déterminant de la réussite de son intégration.
L'AVS qui a suivi Gaspard dès la 6ème l'a aussi très bien cerné et a su l'accompagner au mieux. Dès la fin du 3ème trimestre, Gaspard demande à intégrer le cours de dessin et deux des 4 heures de sport. Il ne suivra la techno qu'à partir de la 5ème, par contre.
Difficultés et progrès
Gaspard est très fatigable et chaque fin de demi-trimestre au collège est très difficile.
Se remettre aux devoirs le soir l'est aussi.
De plus, paradoxalement, plus il est fatigué,
plus ses troubles du sommeil s'accentuent et ce, depuis la primaire.
Il s'endort très tard.
Ses troubles du comportement observés en classe en primaire (prises de parole intempestives,
déplacement dans la classe, besoin d'aller toucher et observer les affaires des autres …)
disparaissent totalement en 6ème.
Les problèmes relationnels rencontrés dans la cour en primaire
(agressivité due à une mauvaise interprétation des intentions des autres) se tassent aussi.
Gaspard passe, il est vrai, un grand nombre de ses récrés au CDI.
C'est depuis toujours un hyperlecteur.
S’appuyer sur un ami
De plus, Gaspard a la chance d'avoir un ami, François, qui à l'école joue un rôle de coach social ce qui l'aide à comprendre les règles qui régissent les relations entre les enfants et adolescents et à adapter son comportement en conséquence.
C'est en CM1 que Gaspard a rencontré François, en CM2 pour sa part. Déjà en primaire, celui-ci joua un rôle important dans la cour. Lorsque François rentra en 6ème, il proposa à Gaspard de le rejoindre au scoutisme, pour pouvoir continuer à se voir. Gaspard n'avait jusqu'à ce moment là jamais réussi à trouver une activité qui lui convenait. Aux scouts, il eut la chance d'être accepté pour ce qu'il était. Il trouva dans ce mouvement des repères précis qui le rassurèrent et l'aidèrent à progresser. Il y appris l'autonomie, et son amitié avec François s'en trouva encore renforcée.
Du collège au brevet
Gaspard a gardé la même AVS de la 6ème à la 3ème, à mi-temps. Au collège il se fondra de plus en plus dans la masse. Le CDI restera toujours son repère. C'est un endroit sûr où il peut se ressourcer et retrouver des enfants qui, comme lui, « fuient » la cour. Il côtoie aussi certains jeunes férus d'informatique, de jeux vidéo, de jeux de rôle et d'héroïc fantasy comme lui.
En 4ème il commence à utiliser un ordi portable pour la prise de notes. Cela permet aux profs de le relire plus facilement. L'introduction de la LV2 (2nde langue vivante) en 4ème sera très difficile et Gaspard l'arrêtera en 3ème. Il obtient son brevet avec mention bien. Il utilise un 1⁄3 temps et son ordi pour le passer.
C'est aussi en 3ème que nous trouverons enfin une solution pour mettre fin à ses troubles du sommeil, avec la prise de Mélatonine que le cerveau des personnes autistes produisent de manière déficitaire, ce qui génère des problèmes d'endormissement. Quel soulagement !
Vers un métier : la boulangerie
Depuis ses 5 ans, Gaspard veut être boulanger. Après sa 3ème, il intègre donc une 2nde PRO Boulangerie Pâtisserie dans un lycée professionnel du sud de notre département. Il entre donc dans un internat et ne rentre à la maison que le WE. Nous n'avons pas renouvelé la demande d'AVS pour la 2nde car nous le sentons prêt à s'en passer. Là encore nous informons l'équipe pédagogique de son établissement de sa différence. Un dossier d'information sur le Syndrome d'Asperger est remis à chacun de ses professeurs. Malgré nos appréhensions, Gaspard s'en sort bien sur le plan de l'autonomie et sur le plan scolaire. Il est un peu lent pour la pratique de la boulangerie-pâtisserie, mais cela reste acceptable. Sa grande fatigabilité persiste par contre.
Les relations avec ses pairs sont assez difficiles car ils ne partagent pas les mêmes centres d'intérêts. De plus les aménagements mis en place pour compenser son handicap (accès illimité à l'internat, études en chambre) génèrent quelques jalousies. Gaspard n'a en effet pas souhaité qu'on parle de sa différence de manière explicite. « Il fonctionne de manière différente et est très fatigable », voilà ce qui a été dit à la classe par son prof. principal.
À la date d'aujourd'hui, il a conservé François, son copain de toujours et s'en est même fait quelques autres. Il continue le scoutisme, joue de la guitare, apprend le japonais de façon autodidacte ; il lit toujours autant, est toujours aussi féru d'informatique et de jeux vidéo.
Par dessus tout, il est heureux et autonome. Pour lui, le SA est une façon différente d'être et de penser. Il ne le vit plus comme un handicap.
C., mère de Gaspard.