rançois (pseudonyme) est né en mai 1993 à Saint-Brieuc.
Les premiers troubles sont constatés à l'âge de 1 an 1/2 : signalés par la halte garderie. « Des difficultés d'intégration dans la collectivité » : elle nous conseille de consulter un pédopsychiatre.
En août 1995 : consultation chez une pédopsychiatre, Dr D. : « Le langage est encore un gazouillis, il fait des colères importantes, se frappe la tête sur le sol, et projette à terre les objets et le mobilier, il recherche les sensations fortes. Il n'y a pas de jeux d'échanges et François répond peu aux sollicitations verbales ». Diagnostic : disharmonie évolutive (retard de l'évolution affective).
En septembre 1995, déménagement à Rennes, consultation de la CMPP.
Diagnostic : tableau autistique.
Nombreux examens médicaux : recherche de l'X fragile, maladie génétique.
L'électro-encéphalogramme révèle des pointes,
jugées non suffisamment probantes par le médecin pour justifier un traitement antiépileptique
À 2 ans : scolarisation en école maternelle en 1995, le matin. François est très difficile à encadrer à l'école, bien que le personnel fasse beaucoup d'efforts
En 1996 : toujours intégré à l'école maternelle, il va toute la journée à l'école sans aller à la cantine.
À 4ans : En avril 1997 : bilan de l'école à Rennes :
« Gros problème relationnel, niveau de langage très faible voir inexistant, refus des activités scolaires.
Indifférence ou parfois agressivité vis à vis des autres enfants, pas de relations véritables.
Il s'adresse à l'adulte par geste pour se faire comprendre.
Aime aller dans la bibliothèque compulser des livres mais ne veut pas partager ce moment avec les autres :
il aime ranger, trier, réussit les puzzles, les encastrements, mais il veut le faire seul. »
Suivi par le Dr T., pédopsychiatre depuis février 1997.
Début traitement antiépileptique : TEGRETOL en septembre 1997.
Le traitement aura un effet rapidement sédatif sur les troubles les plus graves :
agressivité, manie de se frapper la tête contre les murs ou par terre en cas de frustration,
capacité à accepter le report de la satisfaction d'une pulsion.
Au bout d'une semaine de traitement, François fait ses selles aux toilettex.
Avant, il réclamait la couche et partait dans un coin pour faire ses besoins, puis revenait et demandait de l'enlever.
Il refusait de les faire tomber dans les toilettes, cela semblait l'angoisser.
Le langage commence à se mettre en place très rapidement.
En septembre 1997, déménagement à Quimper. Il est inscrit dans une école maternelle à petit effectif, son intégration se passe mal, l'école me conseille de chercher une autre école.
Il intègre une nouvelle école : là encore, l'intégration se passe mal. Mais l'institutrice qui doit partir en congé maternité nous dit qu'elle laissera sa remplaçante décider s'il faut garder François ou pas.
Avec la nouvelle institutrice, François commence à mieux se sentir au sein de la classe, et avec l'aide du SESSAD, les choses se mettent en place tranquillement. Le bilan en fin d'année scolaire est très positif : François a beaucoup évolué. Et son intégration dans l'école ne pourra pas être remise en cause l'année suivante avec la titulaire, car ça se passe bien maintenant.
En septembre 1998, retour de l'institutrice titulaire, déçue de revoir François dans sa classe. À la Toussaint, elle me dit que François n'a pas sa place dans une école et qu'il relève d'un hôpital de jour. Échec de l'intégration. François est dé-scolarisé en 1998, nous arrivons à garder le SESSAD pour un soutien à la maison.
De novembre 1998 à septembre 1999, François progresse, il fait diverses activités : éveil corporel en MPT, psychomotricité, orthophonie avec le SESSAD, il va à la piscine 1 à 2 fois par semaine, fait de l'équitation, se promène beaucoup, fait des activités d'éveil scolaire à la maison avec moi. François trouve enfin un équilibre, et c'est un moment de répit pour la famille.
De octobre 1997 à juin 1999 : suivi par le SESSAD – orthophonie, psychomotricité, travail en groupe, aide à l'école –, puis – après la déscolarisation – à la maison.
En 1998 : arrêt du TEGRETOL et début du traitement par RITALINE.
À 6 ans : François fait son entrée en septembre 1999 à l'IME [Institut Médico-Educatif].
À l'entrée : il est incapable d'un échange verbal. À certains moments, il se montre très opposant à l'adulte en jetant du matériel ou en se roulant par terre en hurlant.
En juin 2001 : son comportement a évolué de manière positive. Il a une attitude adaptée et accepte généralement les consignes collectives ; ses relations avec les autres sont beaucoup plus acceptables, même s'il demande encore beaucoup de vigilance.
Au point de vue scolaire : il commence à savoir lire, et sait compter jusqu'à cent.
Dans le cadre de l'IME : psychomotricité en individuel, psychothérapie (1h / semaine).
Juin 2002 : bilan d'une tentative d'intégration d'une 1 heure par semaine dans une école publique. Il rejette d'abord de façon agressive les tentatives de contact des autres élèves.
Juin 2002 : demande faite par les parents auprès de la CCPE [Commission de Circonscription Préscolaire et Élémentaire] d'intégration de François dans le milieu scolaire.
Cette étape est cruciale dans le parcours de François.
Ci-dessous, des éléments du dossier transmis à la CCPE :
1) le bilan de l'instit IME :
« Persistances de grosses difficultés relationnelles, se montre tyrannique envers les autres, et va jusqu'à frapper ceux qui ne lui obéissent pas. Il accepte rarement de participer normalement aux jeux. Il veut se placer en meneur ou en arbitre. Avec l'adulte il se montre généralement respectueux des consignes. »
Attitude devant l'effort : généralement il mène une tâche jusqu'à son terme
Les activités qui l'attirent le plus : son intérêt pour les activités de repérage sur des cartes ou plans, ainsi que pour les activités sur l'heure sont à la limite de l'obsessionnel.
Adresse manuelle correcte.
Capacité d'expression et de création : il se cantonne toujours aux mêmes dessins de plans et de route ; répugne à représenter des personnages.
Capacité d'initiative : on ne peut pas parler d'initiative ou de responsabilité : François veut tout régenter et essaie de se substituer à l'adulte pour donner des consignes, rappeler la loi, épisodiquement et de manière imprévisible.
Il manifeste de gros troubles du comportement ; tape dans les portes, se cogne la tête. Dans ce cas il est impossible de le raisonner par la parole ; il faut le contenir physiquement.
François s'exprime souvent de manière impersonnelle, avec un débit saccadé. Il monologue fréquemment, il refuse systématiquement de parler des faits qui le concernent directement.
Niveau scolaire : correct (note : compte tenu que le niveau attendu en IME est très faible : le même programme est reconduit chaque année à peu de choses près)
2) l'avis du pédo-psychiatre :
Le traitement anti-épileptique a permis un démarrage tardif mais spectaculaire du langage et et de l'intégration socio-scolaire. Ce traitement est aujourd'hui suspendu. Il a alors été possible de traiter un déficit de l'attention et de l'activité qui a nettement amélioré la scolarisation en IME et la socialisation.
Aujourd'hui, ses problèmes de comportement paraissent relever du refus de François de continuer à fréquenter une population d'IME dont il se perçoit très différent. La tentative d'intégration à l'école publique de K. l'a beaucoup déçu, car il s'attendait à suivre une classe de français, de mathématiques et non une activité de loisirs.
Il a nettement conscience d'être considéré comme déficient, ce qu'il n'est pas, et réagit sur un mode impulsif et agressif.
En conclusion :
Décision CDES [Commission Départementale de l'Education Spéciale, remplacée par la CDAPH] :
prolongation du séjour en IME avec intégration progressive en CLIS [Classe d'intégration scolaire]
Ce n'était pas la décision que nous attendions : cependant la porte était ouverte
Septembre 2002 : Entrée en CLIS d'une école primaire de Quimper à mi-temps.
Septembre 2003 : entrée à temps plein en CLIS.
À 11 ans : janvier 2004, intégration en CM2 de l'école primaire.
Septembre 2004 : redoublement CM2
À 12 ans : septembre 2005, entrée en 6ème dans un collège de Quimper
Par la suite, la scolarité en collège puis en lycée se déroule, mais avec des difficultés plus ou moins maîtrisées, et quelques paroxysmes.
François a toujours un langage un peu perturbé, des centres d'intérêt étrangers à la majorité des autres enfants, des difficultés à interpréter les intentions, les sentiments de l'autre (résumé très schématique du tableau classique)
Nous sommes très présents auprès des enseignants, expliquant en début d'année scolaire la nature de l'autisme, rencontrant les enseignants dès qu'un problème se manifeste.
Je participe aux structures ouvertes aux parents : association de parents, conseil d 'administration. Ces instances sont un bon point d'appui pour collecter de l'information et établir un contact privilégié avec la structure.
Dans ces années de collège puis de lycée, nous avons trouvé une compréhension et un appui réel de la part des établissements scolaires (dans la mesure de leurs moyens).
À 18 ans : Aujourd'hui : mai 2011
François est en 1ère S.
Le traitement par RITALINE (CONCERTA) est maintenu. Il a démarré un traitement médicamenteux expérimental. Selon François, ce traitement rend ses relations avec les autres plus faciles. Je constate qu'il est beaucoup plus réactif dans l'échange. Il continue aussi à suivre des séances d'orthophonie.
Son comportement s'améliore, nous rencontrons beaucoup moins de problèmes au lycée. Selon les professeurs, il n'est jamais isolé, il semble intégré dans sa classe, il a du plaisir à aller au lycée.
Ses résultats scolaires sont très satisfaisants et les commentaires des professeurs sont bons. Par exemple : « attitude très positive en classe » [commentaire du prof de math]. Ses points faibles encore présents sont des difficultés de langage (il parle toujours de façon un peu saccadée), des difficultés à lier des amitiés.
Autres éléments à mon point vue importants et qui ont permis à François d'évoluer favorablement, ce sont les activités de loisirs. Dans la plupart de ces activités, j'ai demandé à être présente avec François pour ne pas poser de difficultés aux encadrants, j'étais une sorte d'AVS.
De 4 à 5 ans, François a fait de l'éveil corporel en MPT, je restais dans le couloir au cas où il y aurait un problème.
De 4 à 12 ans, François a fait de l'équitation, j'ai toujours été présente à ses côtés. La première année, la séance consistait à maintenir François sur son poney. Un challenge relevé.
De 7 ans à 10 ans, François a fait du judo pour l'aider à se confronter aux autres. L'animateur était éducateur spécialisé, cela a beaucoup aidé.
De 11 ans à 13 ans, François a fait du hand ball : j'étais toujours présente pour l'aider à s'intégrer au groupe, faire le lien avec les autres enfants.
À 12 ans, François a fait du chant au collège.
À 12 ans, il est inscrit pour faire du rap en Maison Pour Tous (MPT). Il était le seul inscrit à cette activité : donc, il n'y a eu aucun problème, il a écrit 2 chansons et les a enregistré sur un CD.
De 13 à 14 ans, François est inscrit à l'école de musique, il fait du chant. Je pense que cela a été une expérience difficile pour François à cause des moqueries des autres enfants.
De 14 à 16 ans, François fait du théâtre à la MPT.
À 16 ans, François s'inscrit aux Scouts de France et participe surtout aux activités pendant les vacances scolaires, car le travail scolaire commence à prendre du temps au détriment des loisirs.
Pendant sa petite enfance, j'ai pratiqué beaucoup de jeux de société avec François. Cela a aidé à le mettre en lien avec les autres enfants, car j'invitais les enfants à venir jouer avec François et moi.
Grâce aux jeux de cartes, quand nous étions invités chez des collègues de travail par exemple, François pouvait rester à table. Bien entendu, je devais jouer avec lui, je m'excluais donc un peu de la conversation des autres adultes : mais cela permettait de maintenir des liens sociaux, des relations semi-normales sans de grosses crises qui mettent mal à l'aise les personnes extérieures.
En souhaitant que notre témoignage puisse aider d'autres parents à ne jamais baisser les bras. Le combat est quotidien, mais les résultats encouragent à continuer.
Catherine
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