Du temps pour moi
Quelques minutes d’échappée belle
Monsieur L. est autiste et scolarisé en école primaire. Aphykit, sa mère, a tenu un blog et nous autorise à reproduire certains billets.
Chaque section est associée (ligne « Posté par … ») à un lien vers l'article d'origine sur le blog, sous lequel se trouvent généralement des commentaires des lecteurs.
— 1ère série —
Aphykit : le gueuloir
ou
Aphykit et Monsieur L.
Le jour où le ciel m’est tombé sur la tête
Posté par Aphykit, le 13 avril 2007
En fait, il s'agit de la deuxième chute de ciel sur ma tête. La première, je préfère ne pas la bloguer pour le moment, mais la deuxième (j'aimerais écrire la seconde), finalement, je suis à présent en mesure de l'évoquer. Rien que parce que maintenant je sais, pour en avoir discuté avec beaucoup de gens différents, que c'est une histoire largement partagée.
Voilà : le ciel m'est tombé sur la tête le jour où ma copine Linda, qui était venue avec moi choisir « la » robe qu'il me fallait pour « le » coquetèle, est arrivée le jour dudit coquetèle avec la même robe.
Naaan, ce n'est pas ça, je rigole. Je n'ai pas d'amie qui s'appelle Linda et je ne fréquente plus les coquetèles. Non, le ciel a fini de descendre brutalement sur ma tête le jour où j'ai appris pourquoi mon petit garçon me paraissait toujours si décalé et où j'ai accolé à son doux prénom le mot étrange d'autisme. Sur le coup, assommée, je n'ai pas cru le messager. Le messager, en fait, c'est le papa. Parce que, bien entendu, personne d'autre n'avait été capable jusque là de poser le diagnostic. Insatisfait des réponses apportées par les bien-disant spécialistes, consultés après la suggestion appuyée de la directrice de la crèche, M. R. a fini par se tourner vers the spécialiste en tout : le moteur de recherche. Rien qu'en soumettant trois ou quatre critères, il a vu déferler sur lui des dizaines d'entrées menant vers un monde alors nouveau pour nous : les sites consacrés à l'autisme. Moi, bien sûr, telle sainte Thomette (patronne du carrelage), je lui ai dit : « Mais enfin, si c'était le cas, Madame Duschmol, spécialiste de la spécialité, nous l'aurait dit. » Réponse de M. R. : « C'est bien pour cela que je vais l'appeler tout de suite. »
Je vous retranscris une parmi toutes les réponses pleines d'assurance de ladite spécialiste : « Ah non, vous savez, j'ai beaucoup travaillé avec (elle n'a pas osé dire « sur ») des personnes autistes : c'est très différent. Votre enfant souffre d'une psychose infantile à tendance autistique. » Quand même. Mais, nuance. Bon OK. C'est vrai à la fin, pour une jeune pédopsychiatre formée à l'école de la psychanalyse, un enfant de trois ans qui rit beaucoup, est capable de parler, sait compter, aime les câlins et embrasse volontiers les gens qu'il apprécie ne peut pas être autiste. Sauf que. Sauf qu'elle aurait quand même dû savoir ce que nous avons appris depuis, nous parents sans aucune formation médicale ni psychiatrique : il existe, pour schématiser, plusieurs manifestations de cette différence neurodéveloppementale. Et il existe aussi des psychiatres qui le savent (mais, à sa décharge, depuis peu : seulement depuis les années 40). Maintenant que notre héros au regard si doux a bien grandi et que nous avons des connaissances approfondies, il n'y a pas de doute, il est autiste. Ah oui, j'oubliais aussi – pourtant c'est important – ajout de cette représentante de la Faculté ed'médecine (qui, comme dirait Coluche, ne les avait pas, toutes ses facultés) : « de toute façon, c'est la faute de la mère ». Heureusement, puisqu'elle tenait à sa vie, elle n'a pas osé le dire comme ça devant le papa. Jetez la pierre à cette horrible mère qui ne fait jamais rien de bien. Elle aime trop son enfant (ou pas assez), elle ne le regarde pas assez (ou trop), elle refuse de le voir grandir (ou pas). Enfin brèfle, si vous n'avez pas de méchante belle-mère sous la main, je vous conseille d'aller consulter une pédopsy tendance lacanienne en lui parlant d'autisme, elle remplacera avantageusement.
Suite au prochain épisode. Pour conclure provisoirement, tout de même, près de six ans plus tard, j'ai de relativement bonnes nouvelles du front : la famille s'est agrandie (inconscients que nous sommes, nous avons offert au monde deux enfants de plus) nous ne nous en sortons pas trop mal, nous avons développé nos techniques de combat Jedi contre le côté obscur tapi toujours trop près de nous et prêt à fondre sur sa proie. Nous avons le bonheur d'être entourés de familles et d'amis ouverts, tolérants et généreux qui acceptent le jeune Padawan comme un enfant à part entière (ce qu'il est, n'en doutez pas) et qui, cerise sur le gâteau, n'imaginent même pas qu'il pourrait en être autrement. Je leur en suis extrêmement reconnaissante et je leur répète toute mon admiration.
C’est un peu trop facile, Madame !
Posté par Aphykit, le 11 juin 2007
« Parce que c'est un peu trop facile, Madame, vous comprenez, vous ne pouvez pas profiter de votre statut de mère d'enfant handicapé pour arrêter de travailler ! »
Tel quel. Si si, je vous assure, l'assistante sociale chargée du dossier de demande de complément AEEH [*], m'a téléphoné personnellement pour me dire cela …
C'est vrai, j'exagère, j'abandonne un métier que j'aime, pour lequel j'ai fait de longues années d'études et pour lequel je suis payée relativement correctement pour me la couler douce à la maison, sans statut social, à m'occuper de mon fils autiste pour lequel aucune prise en charge efficace n'est prévue dans notre pays et profiter largement de ce que m'accorde royalement la CDAPH [**] pour vivre (sans protection de santé, ni points de retraite, of course). Ajoutez à cela la haute considération dans laquelle les honnêtes citoyens tiennent les “mères au foyer” (quelle horrible expression, autant se foutre au feu tout de suite).
Se débrouiller seule (ou avec les quelques personnes que l'on peut rencontrer et qui vivent des cas similaires : coucou les amis !) pour trouver ce qui ne va pas, comment aider au mieux, trouver les méthodes qui fonctionnent pour le rendre le plus autonome possible, voilà mon combat quotidien. Parce que oui, il est possible d'arriver à une autonomie de vie et, pour tous ceux qui ne font que chiffrer la vie en terme d'argent, éviter ainsi les institutions d'accueil extrêmement coûteuses.
Cette charmante personne m'a indiqué que la commission décisionnaire ne prenait en compte que le temps que je devais passer avec mon petit garçon et que je ne passerais pas avec un enfant qui n'aurait pas de handicap. En gros, puisqu'il est à l'école de temps en temps, je pourrais parfaitement exercer une activité professionnelle. Il est si simple de trouver un employeur qui cherche quelqu'un de 9h30 à 11h30 les lundis et vendredis et de 14h à 16h les mardis et jeudis. Ah non, c'est vrai, je peux aussi travailler quand il dort : de 21h à 23h30 (permettez que je dorme quand même cinq ou six longues heures par nuit …)
Sauf que. Sauf que lorsqu'il est à l'école, je me documente, je prépare le matériel et les exercices à faire avec lui lorsqu'il est présent. Sauf que lorsqu'il est rentré, je passe plusieurs heures avec lui pour faire ses devoirs officiels et les exercices supplémentaires que je lui soumets pour l'entraîner aux habilités sociales. J'ai toujours usé de beaucoup de pédagogie quand je le voyais en difficulté et ça, depuis sa naissance. Ça n'a pas empêché que les troubles du comportement aillent grandissant au fil du temps. Il y a énormément de facteurs extérieurs et intérieurs que nous ne maîtrisons pas et que nous ne pouvons pas maîtriser. J'ai toujours l'impression de monter des digues branlantes, soutenues par des contreforts de guingois, tout au long de son chemin pour qu'il puisse avancer sans s'écrouler dans les fossés. Et je sais que je ne suis pas la seule, loin de là.
Lorsque je lui ai fait la liste (non exhaustive, loin s'en faut) de ce que je fais dans la journée pour mon petit garçon, la charmante dame m'a simplement dit : « Si vous y tenez, vous pouvez déposer une demande, mais vous savez, il faut éviter de noyer la Commission sous les demandes (elle n'a pas osé ajouter “injustifiées” et “égoïstes”), ils sont débordés, ils ont tellement de travail … »
[*] Allocation
d'Éducation de l'Enfant Handicapé.
[**] Commission
des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées. Rien que pour comprendre le fonctionnement,
les sigles et apprendre le vocabulaire de l'administration, il en faut du temps …
Némésis
Posté par Aphykit, le 3 juillet 2007
Moi, ma Némésis, ce n'est pas Miss Marple. Moi, ma Némésis, c'est la pluie.
Résumé pour ceux qui n'ont pas lu ça : mon petit Loulou 1er, Monsieur L., est autiste et scolarisé en “milieu ordinaire”, c'est à dire à l'école du quartier. Il fait les apprentissages scolaires en temps voulu et dispose de l'aide à mi-temps d'une auxiliaire de vie scolaire. Il a rencontré, tout au long de sa scolarité, trois types d'instits : ceux qui l'ont réellement accepté et l'ont fait participer à la vie du groupe au maximum en initiant des projets qui convenaient à toute la classe dont lui, ceux qui l'ont relégué au fond de la salle pendant toute l'année scolaire et m'ont demandé avec insistance : « Il ne pourrait pas prendre un médicament ? Vous savez, je ne suis pas spécialiste ! » (Nan, Madame, je sais vous n'êtes spécialiste de rien, mais (1) je vous demande juste d'être enseignante, (2) l'autisme ne se guérit pas et (3) je ne vais pas le droguer et l'enfermer au fond d'une cellule de l'HP juste pour vous faire plaisir) et ceux qui l'acceptent-mais-bon-déjà-ils-sont-bien-gentils-alors-faudrait-pas-exagérer-non-plus-il-y-a-des-enfants-qui-sont-plus-en-difficulté-que-lui.
Cette année, il est dans ce dernier cas de figure. Je ne vais pas m'attarder ici sur les anecdotes de l'année scolaire. Concentrons nous sur la préparation de la kermesse. Que fait-on à la kermesse en général en CE2 ? Le plus souvent, les enfants chantent, dansent ou exécutent diverses chorégraphies en roller, vélo, etc. Toutes choses auxquelles Monsieur L. peut s'intégrer peu ou prou d'une manière ou d'une autre. Son instit, elle, a choisi de faire de l'accrogym. Pour résumer, il s'agit de faire des pyramides humaines.
Ici introduction d'une petite note utile : l'une des difficultés majeure des personnes autistes est le rapport à l'autre et notamment le contact physique appuyé ou prolongé.
Résultat : tout le dernier trimestre, Monsieur L. a été très malheureux de ne pas pouvoir participer aux répétitions, répétitions auxquelles il assistait pourtant. L'enseignante n'a pas envisagé une seconde de le faire participer en le chargeant d'une mission parallèle qu'il aurait pu assumer.
Deuxième note utile : étant donné que, alors même qu'elle reconnaît qu'il ne trouble aucunement la classe, l'institutrice refuse d'accueillir Monsieur L. lorsqu'il n'est pas accompagné de l'AVS (ceci d'ailleurs au mépris de la loi, mais passons), elle disposait de deux matinées par semaine pour ses entraînements.
Elle a bien essayé de me dire de le garder chez moi parce qu'il la gênait (évidemment, relégué sur un tapis pendant la séance, il n'a pas su rester pendant plus d'une heure à regarder les autres sans bouger. Il est vraiment mal élevé cet enfant, ça se confirme). C'est bizarre, je suis devenue brutalement sourde. Je suis très arrangeante en général (trop en fait) car je préfère temporiser pour que mon fils soit accueilli dans les meilleures conditions possibles. Je lui avais dit qu'il passait beaucoup de temps à lire, mais elle n'avait pas pensé à lui proposer un livre. Il devait attendre sans rien faire, comme une potiche, que les autres aient terminé. Il a souvent pleuré et m'a demandé des explications que je n'ai pas pu lui préciser plus avant faute de raison valable à avancer. Des troubles du comportement ont réapparu quelque temps, qui ont fait dire à l'enseignante : « vous voyez, il ne peut vraiment pas participer ».
N'allez pas croire que je suis une méchante gens, mais lorsque j'ai vu toute la classe peiner sous la pluie battante à faire son spectacle devant un public fort réduit, j'ai failli me dire : « Bien fait, non mais ». Cette pensée ébauchée ne s'est toutefois pas installée tant j'avais de peine pour mon petit Loulou qui aurait tellement aimé être avec eux. J'ai également éprouvé une certaine admiration pour les enfants qui ont exécuté tout ce difficile programme sans rechigner dans des circonstances fortement défavorables. Après tout, c'est vrai, eux non plus n'ont pas choisi leur instit. Ils n'ont pas démérité. Bravo à eux. us.
— 2ème série —
Monsieur L. et la classe de mer
Et ce soir, je pleure
Posté par Aphykit, le 22 novembre 2007
Ce soir, je pleure. Bêtement. Parce que j'ai été trop optimiste, trop crédule. Parce que j'ai trop vite renoncé à mener le seul combat qui devrait valoir la peine à mes yeux. Parce que je pensais que d'autres partageaient ma façon de voir le monde. Je m'en veux à moi-même d'avoir cédé si facilement, de m'être laissée aller à une telle facilité.
La classe de mer ? « Monsieur L. ne voulant pas passer le test obligatoire pour la voile (se jeter tout habillé dans une piscine, mission impossible pour lui !) et l'activité nautique occupant plus de 80 % du temps de la classe, tous les enfants étant sur l'eau en même temps, il serait mieux pour lui de ne pas venir. » « Il n'y a pas d'autres activités ? » « Non, et l'inspecteur accepte qu'il ne parte pas (une faveur spéciale ? quelle chance !). Ne vous inquiétez pas, il suivra le même programme que les autres. » Résultat ? Résultat : après l'annonce à Monsieur L. qu'il ne partira pas avec ses camarades, après avoir essuyé ses larmes en essayant de lui faire comprendre que tout allait bien se passer, que cela ne remettait pas en cause sa valeur, ses qualités, Monsieur L. assiste à tous les préparatifs de l'extérieur. Désespéré. Désespérant.
Je m'en voulais d'avoir cédé. Je m'en voulais déjà de ne pas m'être assez battue. Honte sur moi, je n'ai pas osé affronter toute une école, les parents d'élèves. Je me sens mal dans une peau de lâche, de traître [*]. Tout le monde (sauf une, merci à elle) trouvait si normal qu'il ne parte pas avec les autres. Vous avez dit intégration scolaire ? Oui, mais quand même, il ne faudrait pas exagérer. Alors, à nouveau, la colère est venue.
Combattre pour son propre enfant serait moins noble, moins désintéressé ? Comment puis-je faire moins, puisque personne ne prend le relais ?
J'ai vu ce matin sur le site du centre d'hébergement classe de mer le programme prévu. Seulement quatre séances de voile sur les dix demi-journées. Seulement quatre séances et par demi groupe. Tout le reste était possible pour lui, tout le reste est possible pour lui.
Bien sûr, je vais reprendre ma plume pour écrire à l'enseignant. Bien sûr, je repars au combat. Bien sûr, je vais faire semblant de ne pas avoir vu qu'il s'agissait d'une volonté d'exclusion. Bien sûr, je vais leur accorder le bénéfice d'un doute que je n'ai pas. Bien sûr, je vais tous les épargner pour qu'ils épargnent mon fils.
En début de semaine, j'ai eu la chance de participer à deux jours de formation sur l'autisme. Deux jours au cours desquels j'ai pu prendre des notes pour expliquer autour de moi ce qui dysfonctionne dans le cerveau de ceux qui en souffrent, pour démontrer qu'ils ne font pas exprès d'adopter un comportement étrange, un comportement qui les exclu de fait, qu'ils ne sont pas mal élevés ou dangereux. Deux jours pour recevoir la confirmation que dans un monde bienveillant, leur vie serait agréable, ils auraient une meilleure image d'eux-mêmes et nous aurions une meilleure image de nous. Je pensais que ces deux jours m'avaient enveloppée d'un blindage de bonne humeur. Grave erreur : l'armure s'est fendue. J'ai beau savoir que je ne suis pas seule, que d'autres luttent à mes côtés, que d'autres connaissent les mêmes tourments, que d'autres connaissent de pires tourments, que des amis me soutiennent, ce soir, je pleure.
Respecté-je en cela les recommandations du médecin qui trouvait indispensable que je garde un peu de temps pour moi ? J'ai un peu de temps, cool, je vais pleurer, ça c'est on ne peut plus personnel !
Bon signe, je commence à pleurer de rage. Tout n'est pas perdu.
[*] Édit : cette considération ne concerne que moi. Je ne voudrais pas que l'on croie que je porte le moindre jugement sur ce que vivent, disent ou pensent les autres parents. Je ne me permettrais jamais de faire une chose pareille. Je sais, par expérience notamment, combien il est difficile de vivre ces situations et qu'il n'y a, dans l'absolu, pas de bonne ou de mauvaise décision.
Pas de bras …
Posté par Aphykit, le 27 novembre 2007
Classe de mer, le retour.
Hier, rencontre avec l'enseignante de Monsieur L. Tout sourire, mais ferme.
En gros, elle ne voit pas pourquoi je viens la voir.
Pour elle, mon petit garçon ne peut pas venir. Un point c'est tout.
Elle a tout prévu comme ça et ne changera pas d'un iota.
Elle a prévu d'être sur l'eau tout de temps, un point c'est tout.
Je sais parfaitement qu'il est possible de choisir d'autres activités.
Les autres années, les enseignants avaient choisi des programmes qui auraient été plus adaptés,
mais cette année, pas de chance.
Question : « Dans les activités proposées, il y avait ornithologie »
Réponse : « Oui, mais moi je n'ai pas choisi ça »
Question : « Lecture de cartes marines ? »
Réponse : « Je n'ai pas choisi ça. »
C'est comme ça. Il est traité comme un enfant comme les autres, d'après elle. C'est sa vision de l'intégration, de la vie en société : tout le monde pareil. À la cantine, bras ou pas : pas d'aide. Devant un escalier, fauteuil ou pas : pas d'aide. Pour traverser la route : aveugle ou pas, pas d'aide … S'ils veulent s'insérer, ils n'ont qu'à faire des efforts, tous ces handicapés, c'est vrai après tout. Faudrait voir à ne pas perturber la ligne droite et claire de la vie par des demandes inconsidérées.
Question : « Et s'il réussit à passer le test
pour aller sur l'eau ? »
Réponse : « Ce ne sera pas possible. Et s'il se lève dans le bateau ?
Il faudra que nous rentrions tous au centre.
Je ne vais pas pénaliser tous les autres enfants ! »
Question : « Mais lui, ce n'est pas grave de le pénaliser ? »
Réponse : « Le pénaliser ? Mais est-ce qu'il se rend vraiment compte ?
Si c'est pour faire de l'intégration pour l'intégration … »
Je me suis arrêtée là pour l'entretien. J'ai appelé l'enseignante référente. Elle m'a dit qu'elle allait convoquer une réunion à ce sujet. Elle m'a dit qu'elle connaissait la position de l'inspectrice chargée de l'intégration, position qui consiste à dire qu'il faut être suffisamment souple pour, tout en respectant le même programme, faire en sorte que tous les enfants participent à toutes les activités. Elle m'a dit que cette position était difficile à tenir devant les enseignants. Je lui ai demandé si je devais faire tout de suite un courrier à l'inspecteur. Elle m'a dit « Oh non attendez, vous savez, il faut ménager les gens. »
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la nette impression qu'il y a quelqu'un qu'eux ne songent pas trop à ménager. M'enfin, puisqu'il paraît qu'il ne se rend pas compte …
« Je suis malheureux »
« Pourquoi es-tu malheureux ? »
« Parce que je pleure »
« Et pourquoi pleures-tu ? »
« Parce que je ne vais pas aller en classe de mer »
« C'est important pour toi, d'aller en classe de mer ? »
« Oui. Je veux aller avec les autres ».
Allez, mon fils, je trouve que nous pleurons un peu trop tous les deux. Nous allons sécher nos larmes et nous allons nous battre. Comme de preux chevaliers, pour défendre l'honneur d'une société qui le perd peu à peu. Mais rassure-toi, nous ne serons pas seuls. Je connais des tas de gens qui sont prêts à se battre à nos côtés. Merci les gens.
Veni Vidi Vici
Posté par Aphykit, le 3 décembre 2007
Bien sûr, ça n'est pas de moi, mais ça, tout le monde le sait et puis je suis tranquille du point de vue des droits d'auteur, les descendants de Jules et de Plutarque ne me feront pas d'ennuis. De toute façon, faudrait voir à pas me chercher, sinon on me trouve facilement.
Je fanfaronne, je fanfaronne (il en restera toujours quelque chose), peut-être, mais je suis depuis ce matin euphorique à l'idée que je vais pouvoir annoncer à Monsieur L. : « Mon fils, mon cher fils, les aruspices ont parlé. L'histoire ne dit pas dans quels viscères ils ont lu, mais ils ont été formels. Tu es à présent placé sous la double protection de Thémis et Athéna et tu iras donc en classe de mer. Va en paix. Il faut à présent que j'aille vérifier où est le chat. »
Résumé des épisodes précédents ici et là.
Ce midi, j'ai eu un entretien fort intéressant et constructif avec la directrice de l'école. Elle avait été informée que c'était avec le plein accord des parents (quasiment à leur demande, en fait) que Monsieur L. était exclu de la sortie. Que nenni, non point ma bonne dame, cette allégation est fort suspecte de mauvaise foi. L'intervention efficace de l'enseignante référente a permis que tous ouvrent les yeux sur les possibilités offertes à eux pour que les élèves, tous les élèves, puissent participer à la classe de mer. À mon humble avis, ce qui a définitivement permis cet éclair de lucidité soudain, c'est la position de l'inspectrice qui préfère faire annuler tout bonnement les sorties lorsqu'un enfant risque d'en être exclu. C'est fou, elle n'a même pas eu à intervenir, ni à être même avertie de l'affaire, seule son aura suffisait. Esprit de la loi es-tu là ? Finalement, l'enseignante n'avait pas bouclé son programme et peut tout à fait intégrer des activités qui permettraient à Monsieur L. de participer. Voyez-vous ça !
Yes, yes, yes et re yes. Cependant, comme la hérissonne, mon animal totem, je suis du genre prudent, je vais veiller à ce que la totalité des opérations se déroule en ce sens. Il ne s'agit pas de baisser la garde trop précocement … Je pense toutefois que seule l'instit de mon fils mettra de la mauvaise volonté. Les autres étaient seulement mal informés, semble-t-il.
Nouvelle étape : essayer de faire passer à Monsieur L. le test indispensable pour qu'il puisse au moins aller sur les bateaux de sécurité si vraiment il ne veut pas faire de voile. Je le vois mal basculer en arrière, la tête la première, tout habillé dans une piscine, mais rien n'est impossible. Avec une bonne motivation, ça peut être jouable. Il nous reste plus de trois mois pour parvenir à cette performance. Si vous avez des idées pour lui permettre de réussir, je suis preneuse …
Classe de mer et picétou
Posté par Aphykit, le 31 mars 2008
Bonne ou mauvaise nouvelle, c'est selon, j'accompagne Monsieur L. cette semaine en classe de mer.
J'inaugure donc ce matin, dans le dur, la semaine de lutte contre la discrimination envers les personnes porteuses de handicap. Je vous donnerai le résultat en fin de semaine. Souhaitez-moi bon courage, mercille.
Un abîme insondable
Posté par Aphykit, le 22 avril 2008
Je vous aurais bien parlé de tas de trucs intéressants et futiles à la fois, comme la mutation du é en è dans le mot événement, la disparition annoncée de l'accent circonflexe dans le mot abîme, mais je sens que vous l'attendez tous et il faudra bien que je m'exécute après un si long silence : voici donc le compte rendu (brefissime) de la classe de mer de Monsieur L.
Événement ou non événement ? Abîme d'indifférence ou sommet du mépris de la part de l'enseignante ? Difficile à évaluer. Heureusement, il y eut aussi les enfants (de la patri-ie), l'autre enseignante, l'équipe d'animation du centre. Petites attentions, attention tout court, patience, bienveillance, sourires.
Bilan pour Monsieur L. : sur le coup, grande joie, fièvre, liesse. Après coup : grande angoisse, troubles ++, profondeur insondable des questionnements. Pour lui. Pour moi.
J'écoutais avec une nouvelle oreille il y a quelques jours une chanson d'Alain Souchon qui m'a paru avoir une toute autre couleur : « Allo, Maman, Bobo. Maman comment tu m'as fait chuis pas beau. » Larmes. Comment faire autrement que de se sentir coupable ? Au moins coupable de ne pas réussir à faire en sorte que le monde soit accueillant pour lui ?
Brèfle, pas spécialement envie de revenir trop là-dessus. L'étendard sanglant est levé pour un moment. Monsieur L. va mettre des mois à se remettre. Moi zaussi. Des mois à retravailler avec lui sur la vie en société, les comportements adéquats, les comportements admissibles, les comportements admissibles pour certains et pas pour d'autres. Même si ce n'est pas vraiment une surprise, c'est fou à quel point l'on peut toucher du doigt la vacuité ou l'hypocrisie de ces conventions lorsqu'on est obligé, comme c'est le cas pour lui et moi, de les décortiquer et de les examiner à la loupe, de leur trouver une justification, ne serait-ce qu'historique.
Pour en revenir à mes propos liminaires, la plus haute autorité en matière lexicale a décidé de changer les règles de la langue en intégrant volontairement une faute d'orthographe trop communément commise. Ce cher vieil événement, apparemment plus difficile à comprendre, à accepter, doit donc céder la place au piti nouveau : évènement, plus gracieux aux yeux du monde. Bienvenue à lui. La majorité a fait une norme de son champion. Je ne suis pas sûre d'avoir envie d'extrapoler. Disons donc que c'était simplement une remarque hors de propos. Un hors sujet de plus.
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